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Cinglé, brillant, attachant

(Photo Yves Déry)

Cinglé, brillant, attachant

Publié le 26/01/2009

Petit, filiforme, frisé, souple comme une liane, voici d’emblée l’aspect physique d’André Sauvé, dit La loutre d’Amérique sur YouTube. Élu Révélation de l’année au Festival Juste pour rire, en 2006, cet enseignant du Bharata Natyam, la danse classique de l’Inde, était sur les planches du Théâtre Lionel-Groulx, le 15 janvier dernier, dans un spectacle à la fois absurde et complètement génial.

Si la confusion règne très souvent dans cet esprit brillant, il impressionne toutefois par cette ligne directrice discrète, mais dominante et repérable dans presque la majorité des numéros, soit une moralité et une conscience aiguë des émotions qui l’entourent. Dès les premières minutes de l’ouverture de ce spectacle, on ressent rapidement, par le truchement de l’humour, que le comique pistera à maintes reprises son public vers la notion du bonheur. Il n’était donc pas surprenant que la logique, si chère aux esprits cartésiens, ne trouve pas chaussure au pied d’André Sauvé. D’ailleurs, pour explorer ce thème, l’humoriste démontrera rapidement que le sens de l’orientation n’est qu’un état temporel chez lui puisqu’il tend à disparaître sitôt qu’il effectue un mouvement corporel autre que la marche en ligne droite. Bien que ce numéro ne représente qu’une infime partie de ce qui se passe dans la tête d’André Sauvé, il faut écouter cet autre sketch où la désorganisation de la pensée atteint son paroxysme au travers d’une quinzaine d’histoires livrées sans suite logique. Si, étonnamment, cette incohérence fait tout de même place à un certain raisonnement mathématique, puisque chaque bribe de récit possède un lien d’attache avec le suivant, ce chapelet d’histoires projeté avec une telle verve est un exploit verbal qu’il faut souligner.

D’un autre côté, il serait erroné de croire que l’artiste n’a que des numéros intellectifs dans son répertoire. Il nous propose également quelques petits jurons savamment placés au sein d’histoires sociales on ne peut plus simplistes.

En dépit de tout, il est impossible de se détacher de cette impression de fragilité qui se dégage d’André Sauvé. Non pas en raison de son physique effilé, mais sur cette propension à vouloir partager, entraîner son public vers l’état euphorique de l’existence. Un peu comme si lui-même avait découvert que l’enivrement ne résulte pas d’un verre de trop, mais de la nécessité d’avoir le béguin… pour la vie.

Puis, il a aussi ce regard d’enfant, un peu candide, qu’on lui retrouve dans ses capsules vidéo projetées sur écran où il campe un gars de la construction un peu niais, mais pas trop.

Il dérange, André Sauvé. Un peu comme l’a fait son copain Marc Labrèche qui n’a pas hésité à embarquer (au même titre que Claude Meunier et Yvon Deschamps, entre autres) dans la folie d’André dans un petit court métrage aux saveurs de croissance personnelle.
À la rigueur, on pourrait même dire que l’artiste pourrait être un cas de ravissement absolu pour tous les sondeurs de l’âme qui y trouveraient assurément de la graine de génie innée ou acquise pendant ces nombreux voyages en Inde.

Difficile de terminer un papier de façon conventionnelle quand le type est tout sauf traditionnel.