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Le projet de loi no 40: une autre insulte au système d’éducation québécois

Le projet de loi no 40: une autre insulte au système d’éducation québécois

Publié le 13/11/2019

Le 1er octobre dernier, le ministre Roberge déposait son projet de loi modifiant l’organisation et la gouvernance des commissions scolaires. Quelle déception! Tant de changements annoncés, certains clairs, d’autres plus insidieux, qui prendront tout le temps, toute l’énergie et toutes les ressources des gens en place au détriment encore une fois de la réussite et de la persévérance des élèves! Quand on voit le résultat des changements de structure imposés au cours des dernières années dans le secteur de la santé, il y a de quoi être inquiet. Il faut croire que le gouvernement n’apprend pas des erreurs du passé…

Posons la question: est-ce que ça allait si mal pour qu’on bafoue d’un seul coup tant d’années d’expérience en gouvernance scolaire?

Je suis personnellement engagée avec cœur et conviction en éducation dans ma région des Basses-Laurentides depuis plus de 20 ans. Ma connaissance des enjeux locaux me permet de saisir rapidement les réels besoins du milieu et d’agir avec neutralité dans l’intérêt de l’ensemble des élèves. À titre de présidente de la Commission scolaire de la Seigneurie-des-Mille-Îles (CSSMI), je suis en mesure de témoigner que nous, commissaires, sommes aussi des citoyens et majoritairement des parents, investis et engagés pour les bonnes raisons: la réussite et la persévérance des élèves. À la CSSMI, au fil des ans, nous avons pris de nombreuses décisions qui ont engendré, entre autres:

 

  • un taux de sortie sans diplôme ni qualification de 7,2 %;
  • le maintien d’un budget équilibré année après année;
  • l’embauche du meilleur personnel possible;
  • une gestion décentralisée;
  • des constructions et rénovations d’établissements magnifiques au service de la pédagogie;
  • un travail de collaboration de qualité avec les parents et les partenaires;
  • des développements, des projets et une mobilisation qui sont source d’inspiration partout au Québec;
  • le tout dans le respect des lois, des règlements et des politiques en vigueur.

Monsieur le Ministre, notre organisation se portait bien avant le dépôt du projet de loi. Mais, vous ne pouvez pas le savoir puisque vous n’avez jamais fait la tournée des centres administratifs des commissions scolaires et vous semblez penser que tout le monde joue au golf et abuse du système.

Honnêtement, si au moins les propositions de changements plaçaient la réussite et la persévérance des élèves au cœur des priorités, connaissant les valeurs de mes collègues-commissaires, il aurait été plus facile de les accepter.

 

Mais voilà, l’étude du volumineux document démontre, article après article, à quel point le ministre s’éloigne de ce qui est le plus important en mettant systématiquement de côté la gouvernance actuelle et ses gens dévoués qui devront vraisemblablement quitter leur siège abruptement au beau milieu de l’année scolaire.

Le système d’éducation québécois a d’abord besoin de stabilité, j’ose dire d’amour et de considération: des conditions simples et gagnantes pour se concentrer sur la réussite des élèves.

Avec ce projet de loi, toute la gouvernance sera plutôt poussée vers la sortie entraînant une nouvelle vague importante de changements:

 

  • Les citoyens et les parents perdront leur voix puisque les élus scolaires ne pourront plus les représenter.
  • La promesse d’une économie d’argent qui ne viendra probablement pas en plaçant des gens qui n’ont pas l’expérience requise pour prendre efficacement les décisions.
  • Le comité de parents qui ne participera plus directement aux délibérations du conseil d’administration sans oublier ses représentants des parents d’élèves handicapés ou en difficulté d’apprentissage (EHDAA) qui risquent d’en être exclus puisqu’ils n’auront plus de place réservée.
  • Les parents, élus au conseil d’établissement par environ 2 % de leurs pairs désigneront ceux qui vont remplacer les actuels commissaires. C’est un risque réel qu’une ou des parties du territoire ne soient pas représentées à la table du conseil d’administration. Bonjour la légitimité!
  • Une absence de lien cohérent entre le centre de services scolaire et les écoles qui risquent ainsi de devenir des électrons libres et que cela se solde en un manque de cohérence et d’équité entre les milieux.
  • Une distinction entre les citoyens-électeurs francophones et les citoyens-électeurs anglophones alors qu’on demande toujours, partout, l’équité…

Jamais dans l’histoire, si ces changements sont adoptés, notre réseau d’éducation publique n’aura été administré par des gens ayant aussi peu de légitimité. À bien y penser, ce manque d’expérience pourra très bien faire l’affaire de ceux et celles qui souhaitent une plus grande concentration des pouvoirs entre les mains du ministre de l’Éducation.

Cet élément nous permet probablement de répondre à la question: pourquoi un palier de démocratie peut avoir le désir d’en abolir un autre?

Disons-le haut et fort: le ministre Roberge n’a jamais fait la démonstration que son projet de loi allait améliorer la réussite des élèves. Il a travaillé sans considération pour honorer une promesse électorale.

Paule Fortier

Présidente de la Commission scolaire de la Seigneurie-des-Mille-Îles (CSSMI)

Au nom des membres du conseil des commissaires