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Cigarette et impuissance

(Photo Yves Déry)

Cigarette et impuissance

Publié le 23/06/2009

Parmi toutes ses tares, la cigarette est maintenant associée à l’impuissance. Sauf qu’on ne parle pas ici de sexualité, mais de l’inaction des gouvernements face à la contrebande du tabac que l’Association canadienne des dépanneurs en alimentation (ACDA) image avec un mât en perte de rigidité, pour soutenir un drapeau en berne.

Et avec le slogan qui se lit sur trois lignes: Québec, avec en dessous le mot contre, et encore en dessous bande, on pourrait croire que le dernier mot est une référence lubrique, alors qu’il est plutôt question d’une bande amérindienne, puisque les réserves autochtones, notamment Akwesasne, continuent de faire une compétition déloyale à d’honnêtes commerçants qui n’en sont plus à protéger leurs profits, mais leurs commerces, se plaint l’ACDA.

Un dépanneur par jour ferme ses portes. Mis en contexte, ils sont 6 000 au Québec qui paient 500 M$ en salaires, pour 340 000 emplois directs. C’est donc tout un pan de l’économie qui se désagrège au profit de contrebandiers, lesquels sont parfois de la même organisation que des revendeurs de drogues, voire de trafiquants d’armes, poursuit-on.

Certains revendeurs d’âge mineur de ce que certains désignent comme des «cigarettes à plumes» feraient plus de 100 000 $ par an, alors que des commerçants, tel Mustafa El-Ferri, propriétaire du Beausoir, à Sainte-Thérèse, qui recevait Michel Gadbois, lui-même vice-président de l’ACDA, perdent des ventes qui devraient rapporter 500 M$ en taxes à Robert Dutil, ministre du Revenu du Québec, lequel continue de faire la sourde oreille à la demande de baisse de la taxe sur les produits du tabac.

Et l’ACDA tient à tuer les mythes: il y en aurait six, en fait, favorisant une surtaxe de 45 $ par cartouche. On a donc commandé une étude Léger Marketing qui atteste que 61 % des fumeurs qui ont cessé, depuis la hausse de 2001 (qui a fait doubler les taxes), ne l’ont pas fait pour le prix, alors que seulement 6 % ont cessé par esprit d’économie. Par ailleurs, aucun répondant ne prévoyait se mettre à consommer du tabac advenant une baisse de prix.

L’éducation serait cependant hautement efficace, sauf en ce qui a trait aux campagnes anti-contrebande qui indifféraient 83 % des fumeurs, lesquels reviendraient à 88 % dans les dépanneurs si le prix était rabaissé. Le contrôle des espaces fumeurs s’avère par ailleurs un fort incitatif à la réduction de la consommation.

Un graphique statistique image sans équivoque qu’un prix à 5,80 $ le paquet stabiliserait la contrebande à un niveau tolérable et Michel Gadbois argue qu’un tel prix tuerait les véritables usines amérindiennes de production illicite en moins de trois mois. «C’est essentiellement le prix haussé par les taxes excessives qui cause la contrebande», constate-t-il.

Mais le ministre du Revenu demeure davantage préoccupé par la santé, en soutenant ne pas vouloir encourager les gens à fumer, alors que, du côté de l’ACDA, on soutient que ce sont les prix dérisoires de produits hors contrôle, vendus sous le manteau, qui favorisent le tabagisme, et souvent chez les adolescents.

Ce sont au demeurant les contribuables, fumeurs ou non, qui écopent des pertes de quelque 500 M$ en taxation, annuellement, pour le gouvernement québécois, dans sa stratégie qui semble avoir atteint un point de rupture, du moins pour les quelque 380 dépanneurs qui ont fermé leurs portes l’an passé.