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Small is (parfois) beautiful

(Photo Yves Déry)

Small is (parfois) beautiful

Publié le 15/10/2010

Ne craignez rien. Vous êtes toujours en train de lire un journal purement francophone. Ce qui viendra plausiblement renforcer en vous l’idée qu’il ne faut pas toujours prendre les titres au pied de la lettre.

 

Pardonnez-moi cette soudaine incursion dans la langue de Shakespeare, mais je ne voyais d’autre expression pour résumer la performance époustouflante du virtuose du piano Michael Kaeshammer, le 9 octobre dernier, à l’église Sacré-Cœur.

Car franchement, ma plus grande crainte, pour ne pas dire ma déception, face à la venue du Canado-Allemand, c’était de le voir et entendre en formation réduite, c’est-à-dire que lui (son piano qu’il doit considérer comme un membre à part entière) et son batteur. Trio ou duo donc, c’est selon…

Quand vient le temps d’apprécier ce type de jazz très pop, comme celui dans lequel Kaeshammer s’affirme, tant pianistiquement que vocalement, j’ai un faible, maintenant avoué, pour les accompagnements de grands orchestres.

Tous ces cuivres… c’est tellement coloré, chaleureux, nostalgique jusqu’à un certain point. Puisque ça me donne quelque part l’illusion qu’on peut reculer sur l’axe du temps et me plonger à mon tour, petite jeunesse que je suis, dans cette période caractéristique de l’après-Deuxième Guerre mondiale où les big bands affluaient et que la musique ne se vivait pratiquement pas autrement que de cette façon.

Autre élément à souligner incontournablement, c’est que toute la paperasse promo de Kaeshammer nous vante allègrement à quel point la section rythmique qui l’accompagne est à se jeter par terre!

Mais voyez-vous, le bonheur d’arriver à laisser ses préjugés de côté, c’est qu’on arrive à se laisser surprendre, et c’est définitivement ce que Michael Kaeshammer est parvenu à réaliser, dans mon cas du moins, lors de son arrêt à Sainte-Thérèse.

J’ai été tout simplement renversé de constater avec quelle habileté ce Canadien d’adoption, vivant en navette entre Toronto et New York, arrive à nous faire prendre conscience que petit ne rime pas toujours avec minimalisme.

Flamboyant et facétieux (il avait donné sa parole d’honneur en entrevue qu’il le serait)… il danse, joue des percussions avec ses mains sur la caisse du piano, tape sur ses cuisses, vient piquer un brin de jasette bien assis avec les spectateurs, pendant que le batteur assure la cadence, et revient sur scène pour les narguer en répétant la même mélodie avec de surprenantes variantes, jusqu’à ce qu’éclats de rire s’ensuivent. Bref, il voit grand dans les petites choses…

Avec un programme pittoresquement boogie-woogie, jazz et blues à la New Orleans, Kaeshammer est en parfaite symbiose avec son acolyte Mark McLean, qui frappe sur ses peaux avec des baguettes qu’on croirait magiques.

Le public, composé pour la plupart de membres du pouvoir gris, a particulièrement adoré cette longue version de Tico Tico à la sauce louisianaise. Il s’est même fait énormément plaisir en entonnant les paroles du standard de Louis Armstrong, On The Sunny Side of the Street.

Les coups de cœur, je les accorde à sa reprise instrumentale de la ballade soul-gospel remplie d’espoir, People Get Ready, de Curtis Mayfield, et à Handful of Keys, une pièce-hommage à la figure de proue de Kaeshammer et précurseur du piano stride, Fats Waller. C’est après avoir raconté une savoureuse anecdote sur Waller que Kaeshammer a entamé ce morceau. «Waller avait l’habitude d’entrer incognito dans des bars ou cabarets où se produisaient d’autres pianistes très connus pour s’installer au piano pendant la pause et finalement leur voler littéralement la vedette», a-t-il retracé. Le genre de tour de force espiègle dont Michael Kaeshammer serait bien capable…