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Prostitution: légiférer sans criminaliser les vendeuses de charmes

Josée Camara

Prostitution: légiférer sans criminaliser les vendeuses de charmes

Publié le 04/12/2012

Selon la croyance populaire, la prostitution serait le plus vieux métier du monde. Il ne servirait donc à rien de chercher à la combattre; elle est inévitable. Ce n’est certes pas l’avis de féministes comme Josée Cavara, du Conseil du statut de la femme, qui était invitée par le Centre Rayons de femmes Thérèse-De Blainville, le 27 novembre dernier, à animer un atelier-discussion sur les conséquences désastreuses de ce métier dans la vie de celles qui l’exercent.

Profitant de la campagne pour l’élimination de la violence envers les femmes qui se tient du 25 novembre au 6 décembre, partout au Québec, Mme Camara s’est employée à démontrer l’urgence de légiférer en matière de prostitution, un phénomène plus actuel que jamais à l’heure de la mondialisation et bien présent en région.

Pourquoi parler de mondialisation? Parce que la prostitution est l’affaire d’une organisation de proxénètes qui a établi un système de traite, fait valoir Mme Camara. Or, le Québec ne vit pas en vase clos, souligne-t-elle.

Et dans ce contexte, il est facile de comprendre que les prostituées sous la mainmise d’un proxénète se retrouvent rapidement dans une situation de dépendance qu’elles auront du mal à quitter.

À titre d’exemple, une danseuse nue peut rapporter entre 300 $ et 1 000 $ à son proxénète à chaque soir. Sur le salaire et les pourboires qui lui restent, il ne restera pas grand-chose une fois qu’elle aura payé la drogue qu’elle consomme pour se donner la force de continuer.

C’est la triste réalité de celles qui vendent leurs charmes, peu importe la façon dont elles le font: escorte de luxe, masseuse sexuelle, prostituée de rue ou danseuse nue.

Et l’exploitation brise la vie de plusieurs d’entre elles. «Quand on voit ce qui est arrivé à Nelly Arcand, on réalise que ce n’est pas glamour le métier d’escorte», constate la sociologue.

Mais les tractations actuelles autour de la criminalisation inquiètent Mme Camara, qui est responsable régionale du territoire Lanaudière-Laurentides. Le jugement Himel, qui est en appel actuellement, risque d’avoir de lourdes conséquences, indique-t-elle, puisqu’il invalide les articles de loi entourant les maisons de débauche.

«Ça équivaut à la décriminalisation de la prostitution, affirme la sociologue. Pour le Conseil du statut de la femme, il est temps d’agir et même urgent d’agir

«La prostitution n’est pas un travail banal, une activité comme une autre. Actuellement, il y a des intérêts extrêmement importants en jeu qui bénéficient seulement à quelques acteurs.»

Si elle prône la criminalisation, Mme Camara opine cependant qu’il faut viser ceux qui exploitent les femmes: les clients et les organisations de proxénétisme souvent liées au crime organisé. Pas les prostituées. Il faut prévoir des services d’aide pour celles-ci, précise la représentante du Conseil du statut de la femme.

Pour elle, l’exemple de la Suède est probant. «En criminalisant la prostitution et en finançant des mesures d’aide, les Suédois ont vu la prostitution de rue baisser de 50 %», rapporte Mme Camara. Cette dernière insiste sur ce point: il faut offrir de l’aide à celles qui désirent s’en sortir. Mais pour cela, il faut financer les ressources en mesure de jouer ce rôle.