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Pareils et différents

(Photo Yves Déry)

Pareils et différents

Publié le 06/10/2010

Faites vos valises! Embarquement imminent pour la Bretagne, avec escales prévues à l'île de La Réunion et au Québec. C'est en effet ce voyage au cœur de la francophonie que nous proposaient les conteurs François Lavallée, Sergio Grondin et Achille Grimaud dans leur Cabaret de l'impossible, dont un premier jet a été présenté lors de la première soirée Ça me dit de conter de la Ville de Blainville.

Au menu de ce spectacle en trois temps, il y a l’aventure et le voyage, mais aussi une omniprésente dualité: dépaysement et réconfort, exotisme et familiarité. L’introduction au rythme syncopé est percutante et imagée, chacun des artistes s’identifiant personnellement et profondément à sa patrie d’origine à coup de «moi, c’est». C’est ainsi que l’on aime à se reconnaître dans le Québec dépeint par François Lavallée, mais aussi à se perdre dans la Bretagne d’Achille Grimaud et rêver à la chaleur tropicale de l’île de La Réunion décrite par Sergio Grondin. On ne comprend pas toutes ces références culturelles et géographiques, mais cela fait partie du plaisir du voyage et de la découverte, mais aussi du pouvoir des mots, générateurs de rêve. Comme quoi être dépaysé à Blainville est apparemment chose possible!

Le carnet de voyage des trois conteurs est bien rempli, comme en témoigne cette première partie relatant la genèse du projet Cabaret de l’impossible et sa première escale à l’île de La Réunion. La rencontre des trois compères, le choc des cultures et le partage des idées sont racontés de façon dynamique, les conteurs s’écoutant, se relançant et débattant, appuyés par des effets sonores et de la musique.

Par leurs mots habilement choisis, on s’imagine sans peine le Québécois reçu à coup de clichés, le Breton qui cherche ses repères identitaires dans l’histoire de la France, Sergio le créole blanc et son ami Fred tout droit sorti d’un tragique souvenir d’enfance… attablés à un McDo sous le soleil réunionnais. C’est sur une magnifique chanson créole que s’achève ce trop court extrait de ce travail en progression, dont la forme complète sillonnera le Québec dès l’automne 2011.

La seconde partie du spectacle se déroule de manière plus traditionnelle, chaque artiste prenant tour à tour la parole pour nous offrir une histoire de son pays. C’est ainsi qu’Achille Grimaud, amoureux des mots et de la parole, nous raconte le village de Marmignol et ses habitants invisibles avec leur méthode inusitée pour pallier une panne de courant et de télévision, le tout avec humour et poésie.

C’est ensuite au tour de Sergio Grondin d’y aller d’un poème rythmé aux images frappantes, célébrant l’amour de sa terre natale en trouvant dans les mots bonheur et réconfort pour tous ceux qui, comme lui, ont grandi au pied d’un volcan. François Lavallée illustre quant à lui, dans un texte aux rimes efficaces, la réalité des mineurs de l’Abitibi dans les années 1950, teintant le tout d’une couleur à la fois locale et mystérieuse en s’accompagnant à l’harmonica.

Enfin, les conteurs prennent le temps d’échanger avec leur public. La discussion est intéressante et animée, s’orientant surtout autour des questions d’identité culturelle et du rapport à l’inconnu, de la langue et du regard de l’autre sur sa propre identité. Car en mettant sur pied ce Cabaret de l’impossible, le trio souhaitait traverser les clichés liés à chaque culture en exprimant les sons et les sensations, les petits détails de la vie qui dépassent l’identité de surface, les idées préconçues que peuvent par exemple donner les guides de voyage. Au final, le but du projet serait de parvenir à composer une histoire commune, conciliant toutes ces similitudes et différences. Breton, Réunionnais ou Québécois, nous parlons la même langue, mais par ce spectacle de conte moderne, les trois complices ont voulu exprimer les différences culturelles avec tous leurs questionnements et bouleversements, malgré tout ce qui nous lie en tant qu’êtres humains et francophones.