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Marius et Fanny: l’amour, le temps et la marée

Fanny

Marius et Fanny: l’amour, le temps et la marée

Publié le 07/03/2014

La sirène d’un bateau retentit au loin, les lumières de scène s’allument lentement. Une atmosphère s’installe doucement, alors qu’émerge de la pénombre l’intérieur du Café de la marine, avec au loin, les mâts des navires que l’on devine amarrés dans le port.

Deux hommes y sont déjà affairés, le propriétaire César et son fils Marius, devisant joyeusement, se chamaillant dans la complicité, leur accent marseillais bien chantant. Nous voilà en Provence, au début des années 1930, au cœur de la vie portuaire dépeinte par Marcel Pagnol dans la pièce Marius et Fanny, mise en scène par Normand Chouinard et présentée au Théâtre Lionel-Groulx les 28 février et 1er mars derniers.

Ledit Marius et Fanny, fille de la poissonnière Honorine, forment un couple d’amis d’enfance secrètement épris l’un de l’autre. Mais alors que leurs sentiments se révèlent et deviennent de plus en plus sérieux, Marius n’arrive pas à résister à l’appel de la mer qui le tenaille depuis toujours et s’embarque sur le navire La Malaisie. Il laisse derrière lui un père amer et une fiancée enceinte, qui, pour sauver son honneur, acceptera la demande en mariage du veuf Panisse.

Le quotidien reprend peu à peu son cours, le désarroi s’engourdit et les liens s’approfondissent entre les personnages du Vieux‑Port de Marseille, qui n’espèrent plus le retour de Marius. Ce dernier reparaît cependant après 18 mois de cavale, retrouvant son ancienne vie chamboulée et ses convictions ébranlées.

La mise en scène de Normand Chouinard se fait selon un rythme languissant qui rappelle celui de la vie portuaire, avec les périodes d’effervescence entourant l’arrivée et le départ des grands bateaux, entrecoupées de longues accalmies. C’est durant ces dernières que les personnages se retrouvent au Café de la marine pour partager les dernières nouvelles, évoquer des souvenirs ou encore jouer aux cartes en éclusant quelques verres.

On assiste ainsi à des échanges savoureux entre une Honorine à la répartie mordante et Panisse (Manuel Tadros) qui tente de la convaincre de le laisser épouser Fanny avec des arguments financiers, on est témoin des regards pleins de sous-entendus entre Marius (François-Xavier Dufour) et Fanny (Marie-Pier Labrecque), on s’esclaffe devant la célèbre partie de manille où César (Rémy Girard) tente de tricher avec son partenaire Escartefigue (Frédéric Desager) pour triompher de Panisse et monsieur Brun (Jean Marchand).

On remarque que les personnages qui entourent Marius et Fanny semblent quelquefois éclipser le couple central par leurs caractères plus typés et leur bonhomie, particulièrement chez César, Honorine et la tante Claudine (Sophie Faucher), ou encore la déconfiture quasi constante du capitaine Escartefigue, souvent la tête de turc de tout un chacun.

Les habitués du Café forment une communauté tissée serré, chacun se faisant porteur de secrets et de regrets, les dissimulant tant bien que mal sous leur joie de vivre, tout en pouvant compter sur le soutien de ses semblables. Ce faisant, ils portent avec justesse le texte imagé aux répliques souvent savoureuses et poétiques, tout en se laissant porter par celui-ci, peut-être au détriment d’un rythme que l’on aurait préféré plus soutenu.