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L’univers des possibles

(Photo Yves Déry)

L’univers des possibles

Publié le 13/02/2009

En entrant dans la grande salle du Théâtre Lionel-Groulx pour une représentation de la pièce Journal intime, de la compagnie Cas Public, on sent qu’on met le pied dans un univers particulier, celui de la chorégraphe Hélène Blackburn. Les battements d’un cœur résonnent, feutrés, les coulisses sont à découvert, semblant agrandir démesurément l’espace scénique. En projection vidéo, un baiser sous tous ses angles. Les danseurs qui observent, immobiles. Un piano à queue, la lueur spectaculaire mais fragile de centaines de bougies au sol.

L’ambiance est déjà créée, laissant présager le meilleur pour cette œuvre dansée: sept interprètes se mouvant au son de musiques de Bach (jouées en direct par Laurier Rajotte), mais aussi dans un silence meublé du son amplifié des pas et des mouvements dans l’air, transformant ainsi les danseurs en instruments de musique, le tout baigné des éclairages enveloppants d’Andréanne Deschênes.

Une approche originale, donc, pour nous parler d’amour, sujet inépuisable et vieux comme le monde. Mais ce n’est pas n’importe quel amour qui est dépeint dans l’œuvre de Blackburn. C’est l’amour adolescent, le premier, le vrai. Dynamique, pluridimensionnelle, la chorégraphie est conçue pour mieux atteindre et émouvoir son public cible, en utilisant le théâtre, la vidéo, la parole et une bonne dose d’humour. L’amour est raconté, décortiqué, exprimé dans une multitude de langages. L’anglais, le français, l’espagnol se mêlent à la langue des signes, à l’allemand, à la danse pour exprimer l’universalité du thème dans un concept rafraîchissant. Et bien qu’explorant les premiers émois, les premiers troubles physiques, Journal intime ne sombre jamais dans la facilité ou la mièvrerie. Hélène Blakcburn ne cherche pas à protéger son public adolescent, qu’elle juge intelligent et prêt à recevoir certaines images, certaines paroles. Les réflexions partagées sont parfois drôles, parfois profondes, parfois les deux à la fois.

Les corps s’attirent et se repoussent, des couples se font et se défont et se refont, des baisers sont volés. Les uns succombent à un coup de foudre alors que d’autres s’interrogent sur leur sexualité, se révèlent aux autres. La sensualité se mêle à la tendresse, la passion physique s’oppose au romantisme alors que se multiplient les jeux de séduction. La désillusion, le rejet, la rupture, la douleur sont également abordés dans cette pièce où rien n’est dissimulé. Les chorégraphies sont complexes et interprétées avec intensité. Les jeux de pieds se font rapides, habiles et les portés sont vertigineux. On joue avec les notions d’équilibre et de déséquilibre, de douceur et d’agressivité au son de la musique ou des respirations. Les bougies sont éventuellement déplacées pour former un cercle qui tiendra lieu de périmètre au numéro ultime et à sa superbe finale: au centre, avec quelques notes de piano pour toute musique, un couple évolue, ainsi entouré du feu de sa passion, mais aussi de l’intensité périlleuse de ses sentiments. Lui succède un couple de même sexe, puis une soliste autour de laquelle on éteindra une à une toutes les bougies jusqu’au noir final. Magnifique de simplicité et d’intensité, de précision et d’émotion, à l’image du spectacle en entier qui explore de façon différente l’amour et l’univers de ses possibles.