logo journal nord-info
icon journal
Les menteurs professionnels

Les menteurs professionnels

Publié le 13/03/2009

Imaginez un duo d’acteurs shakespeariens déchus et prêts à toutes les bassesses pour parvenir à ses fins, deux fiancées aux faux airs d’ingénues et un peu groupies, un révérend blasé, mais perspicace, ajoutez à cela un médecin douteux et son fils plutôt naïf, puis une milliardaire mourante à la recherche de ses nièces exilées pour leur remettre leur part d’héritage. Tout ce beau monde s’est donné rendez-vous au Théâtre Lionel-Groulx pour une soirée d’intrigue et de comédie déjantée. Ladies and Gentlemen, texte bien ficelé de Ken Ludwig dans une mise en scène dynamique signée Jean-Guy Legault, réunit sur scène une impressionnante brochette de comédiens pour interpréter les personnages aux destins étroitement liés de cette comédie métissant théâtre élisabéthain et contemporain pour une suprême mise en abîme.

Quiproquos, travestissement et chassés-croisés amoureux prennent ici une tournure délirante dans ce texte où s’entremêlent le français, l’anglais, les accents et les niveaux de langue pour un feu roulant de gags linguistiques, mais aussi physiques. Ladies and Gentlemen relate les aventures d’un duo d’acteurs au talent limité et sans scrupules, qui ne recule devant rien pour faire fortune et réaliser son rêve de s’installer à Hollywood. En effet, ayant eu vent de la mort imminente d’une dame extrêmement fortunée, Leo Clark et Jack Gable prendront l’apparence des obscures nièces recherchées par la famille pour tenter de mettre la main sur le magot. Mais s’ils réussissent à duper la vieille dame et à gagner son affection, et même à séduire hommes et femmes malgré leur flagrante masculinité, tous ne tomberont pas dans le panneau…

Chaque comédien tire son épingle du jeu, incarnant avec conviction ces personnages typés et typiques, loufoques à souhait. Dans la peau de la nièce légitime, Marie-France Lambert est lumineuse, son jeu se déclinant en plusieurs nuances, de la comédie physique aux vers de Shakespeare. Jean Leclerc prête quant à lui ses traits à son fiancé, concédant un délicieux flegme britannique à ce révérend qui se révèlera bientôt égoïste et contrôlant. Jean-Bernard Hébert incarne avec désinvolture un docteur ayant visiblement perdu sa vocation, alors que Janine Sutto, hilarante, ravit par son interprétation mordante de cette immortelle mourante, bourrue et vulgaire, et qui jure comme un charretier. Le duo de Stéphane Breton et Antoine Vézina, en acteurs désabusés, déclenche immanquablement les rires, assumant pleinement le joyeux ridicule de leurs alter ego féminins aux atours pour le moins excentriques. Enfin, si le couple de «jeunes premiers», formé de Valérie Blais et Sébastien Gauthier, surprend par son casting, les deux comédiens s’en tirent avec un jeu très physique et caricaturé qui cadre parfaitement ici.

Faux-semblants, complots, amours complexes et entremêlées, les pistes à suivre sont nombreuses, mais l’on s’y retrouve sans peine dans cette mise en scène inventive et colorée. Théâtre dans le théâtre, décor épuré esquissant les contours d’une ville, rideau brechtien, le metteur en scène Jean-Guy Legault et l’équipe de conception se sont visiblement amusés avec les artifices scéniques pour nous offrir ce délire contrôlé abordant avec humour certains clichés sur les conditions et le tempérament des acteurs, ces «menteurs professionnels».