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Émile Proulx-Cloutier: les gens vivants

Émile Proulx-Cloutier: les gens vivants

Publié le 15/02/2013

Avec ses murs de pierre et ses poutres apparentes, décor chaleureux et invitant, la maison Lachaîne se prête aux concerts intimes et aux confidences. Elle est également un endroit propice aux découvertes artistiques, notamment avec la série des Rendez-vous au coin du feu.

Le 8 février dernier, c’était au tour d’Émile Proulx-Cloutier, artiste aux multiples facettes, mais qui portait ce soir-là les chapeaux d’auteur, compositeur et interprète, dans le cadre de la toute première représentation de sa tournée Chansons cachées.

Le spectacle porte bien son titre, Émile Proulx-Cloutier les ayant effectivement gardées bien à l’abri des oreilles indiscrètes jusqu’à tout récemment. Son enfance bercée par la musique, le théâtre et le cinéma, Proulx-Cloutier est imprégné de culture et amoureux de la scène. On l’y sent comme un poisson dans l’eau, et c’est à se demander pourquoi le plongeon musical fut si tardif pour ce nouveau trentenaire qui joue du piano depuis l’âge de huit ans.

Peut-être leur auteur laissait-il mûrir ses chansons, à l’image d’un bon vin? Le cas échéant, la stratégie aura porté fruit, puisqu’elles se laissent savourer comme tel.

Visiblement heureux, souriant, Émilie Proulx-Cloutier s’installe au piano, qu’il délaissera pour l’accordéon le temps d’une chanson, entouré du guitariste Christian Turcotte ainsi que du bassiste et contrebassiste Mathieu Désy.

Ils entament une valse sombre qui prendra bien vite un rythme sautillant proche du manouche et c’est parti pour une soirée aux teintes et aux saveurs éclectiques, remplie de personnages touchants ou colorés. On ressent d’ailleurs, dans les chansons, la touche du comédien, réalisateur et monteur qu’est Émilie Proulx-Cloutier.

En effet, on les entend, on les écoute, mais on les voit aussi, ces personnages et leurs univers respectifs, prenant vie grâce aux textes incroyablement imagés et habilement construits. Regorgeant de nuances et de finesse, les mots s’imbriquant délicatement dans des tournures joliment inattendues ou s’opposant, scandés pour dénoncer, appuyer, les textes d’Émile Proulx-Cloutier font corps avec les mélodies riches et variées qui les accompagnent.

On fait ainsi connaissance, entre autres, avec Éric le «garçon cellophane», à l’amertume infiniment triste et aussi grande que son imagination, dans une Aimer les monstres au texte bouleversant, d’une sincérité sombre et enfantine. Dans une pièce théâtrale aux accents de cirque, on rencontre Madame Alice, labelle aubergiste au «cœur-mammouth», alors qu’un piano mélancoliquement lumineux nous fait découvrir le vécu d’un homme en parcourant les lignes des Mains d’Auguste.

Émile Proulx-Cloutier explore également une résilience désespérément joyeuse avec Ti-Joe Calotte, une amère déception devant le constat déprimant d’être «rendu çà, rendu là». Il chante également l’amour, d’une façon magnifiquement drôle et émouvante en dépeignant l’improbable union d’une luciole et d’un grillon.

Éminemment sympathique, amusant et intelligent, Émile Proulx-Cloutier a la plume cinématographique et astucieuse. Jouant avec les expressions et les mots, il sait toutefois éviter le piège du calembour pour générer des images aux couleurs vives et susciter de réelles émotions, faisant ainsi le bonheur des spectateurs ayant osé la découverte, bravé la tempête et laissé tomber la télé pour venir voir «des gens vivants faire des choses vivantes».