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4 mars: ma dernière rencontre avec Lisa

4 mars: ma dernière rencontre avec Lisa

Publié le 11/03/2011

C’est aujourd’hui que prennent fin nos tête-à-tête. Pour les besoins de ce reportage, Lisa a consenti à s’ouvrir, à se confier, à se révéler avec bienveillance, mais aussi avec une certaine audace. Comment terminer cette série de textes sur Lisa sans tomber dans la surcharge émotive?

Faut-il encore préciser combien furent drôles, émouvantes, et également joyeuses ces 12 rencontres?

Je ne le crois pas.

Tout a été écrit. Pourtant, il reste encore tellement de questions.

Ce matin, Dre Lucie Lauzon s’est jointe à notre petit duo. Pendant plus de 45 minutes, il fut échangé maintes anecdotes et petits potins par-ci par-là.

De mon côté, je délibère sur les interrogations qui me hantent. Comment dit-on adieu à une personne que l’on ne connaissait pas il y a à peine six semaines? On lui serre la main, on lui fait l’accolade?

Je ne suis pas douée pour les «au revoir», encore moins pour les départs définitifs…

Les chances que je revoie Lisa sont minces. Tellement infimes que je pense qu’elles sont inexistantes.

Mais je serai en pensée avec elle, ce 12 mars, quand elle fêtera son trois mois. Parce que Lisa l’avait dit: «Je déjouerai les pronostics des médecins et vivrai plus de trois mois.»

Elle y arrivera, j’en suis persuadée. Au moment où sortira ce texte, je demeure convaincue qu’elle portera un toast invisible à sa victoire personnelle. Pour ma part, je la saluerai en retour.

Et maintenant, que faut-il que je retienne de tout cela, de cette expérience où la vie et la mort se sont intimement liées?

J’ai appris, j’ai vu et j’ai compris à quoi ressemblait une équipe médicale au sein d’une unité de soins palliatifs et cela ne me fait pas peur, bien au contraire. C’est même rassurant de les savoir là, aux côtés de leurs patients, de Lisa.

Ils seront là pour elle quand le moment, l’autre moment, arrivera.

La mort. Qu’est-ce que la mort si ce n’est qu’une continuité de la vie.

Lisa l’a démontré et répété à tellement de reprises qu’il m’est impossible de le nier ou de jouer à l’aveugle.

Pour cette dernière rencontre, j’espérais discuter, questionner, revérifier des propos, m’assurer encore une fois de sa sérénité. Résultat? Je suis restée très (trop) silencieuse.

Il vient un moment où tout a été dit ou presque. A-t-on vraiment besoin de connaître une personne dans son intégralité pour se sentir assez à l’aise avec elle?

Je sais que Lisa continuera à fabriquer ses lapins de Pâques en papier. Elle commencera même une série de décorations de Noël et d’Halloween dans les prochains jours. Les projets demeurent, fidèles à sa créatrice.

Sur mon frigo trône une photo de Lisa. Une parfaite inconnue devenue ambassadrice d’espoir et de sagesse.

Bien avant ma rencontre avec cette dernière, je m’étais proclamée messagère de son quotidien, néophyte comme on peut l’être devant l’inconnu. Aujourd’hui, je me sens davantage comme un être privilégié auquel on aura légué quelques grandes doctrines et préceptes de vie…

Ces rencontres resteront inscrites pour toujours dans un lieu que l’on nomme les souvenirs.

Merci Lisa.

Vendredi, 18 h 30

Il est 18 h 30, ce soir-là, lorsque je viens voir Lisa pour la toute dernière fois. Dans les bras, mon fils-cadeau qui, tel le Petit Prince, tient fermement dans sa main une fleur.

Une rose.

Pour Lisa.

 «Et il (le Petit Prince) revint vers le renard:

— Adieu, dit-il…

— Adieu, dit le renard. Voici mon secret. Il est très simple: on ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux.

— L’essentiel est invisible pour les yeux, répéta le Petit Prince, afin de se souvenir.

— C’est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante.

— C’est le temps que j’ai perdu pour ma rose… fit le Petit Prince, afin de se souvenir.

— Les hommes ont oublié cette vérité, dit le renard. Mais tu ne dois pas l’oublier. Tu deviens responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé. Tu es responsable de ta rose…

— Je suis responsable de ma rose… répéta le Petit Prince, afin de se souvenir.»

(Extrait du livre Le Petit Prince, de Saint-Exupéry)

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