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11 février: ma 6e rencontre avec Lisa

11 février: ma 6e rencontre avec Lisa

Publié le 25/02/2011

J’ai le cœur bouleversé en voyant Lisa si fatiguée. Elle prend de la morphine depuis mercredi soir pour soulager ses douleurs. En dépit de son état, elle reste tout de même excitée à l’idée de partir avec son frère, ce soir, pour un week-end familial. Tout le monde sera là pour l’accueillir.

«Je sens que ce sera ma dernière fin de semaine. Je ne crois pas que je vais ressortir à nouveau», lance-t-elle, sereine. «C’est pourquoi je tiens vraiment à en profiter.»

Elle a décidé qu’elle initiera sa nièce aux plâtres de Paris. Des projets plein la tête pour ce week-end; elle salive à l’idée de manger de la nourriture de maison et s’interroge sur ce que sa belle-sœur lui a réservé.

«Ce que j’aime le plus? Les pattes de crabe.»

Sans oublier les essentiels: beurre à l’ail et riz. Quand bien même il est encore tôt, ce vendredi matin, j’anticipe le plat de concert avec elle.

Puis, nous en venons au dessert.

«Les éclairs au chocolat. Ça doit faire au moins deux ans que je n’en ai pas mangé. Je les préfère avec de la crème Chantilly plutôt que de la crème pâtissière.»

Tiens, ça me donne une idée tout à coup… Et pourquoi pas…

Je propose à Lisa d’en acheter pour notre prochain rendez-vous. Sur le coup, elle refuse net, arguant qu’elle ne veut pas que je me casse la tête avec ça. Je renchéris et lui jure que cela me ferait vraiment plaisir si elle acceptait. Après avoir argumenté à tour de rôle, nous parvenons finalement à un accord: elle y consentira à la condition sine qua non que j’en mange un avec elle. Marché conclu.

J’inscris une note à l’agenda. Interdiction d’oublier. D’ailleurs, je n’oublierai pas, insistant à plusieurs reprises d’une voix pressante (lire agaçante) auprès de la pauvre pâtissière qu’il me faut de la crème Chantilly dans les éclairs. Et cette dernière de me jurer à plusieurs reprises que leurs éclairs au chocolat sont vraiment, mais vraiment concoctés avec de la crème Chantilly.

Parce que s’il fallait que ce soit finalement de la fausse Chantilly, remplacée hypocritement par de la crème pâtissière, alors là…

Je songe à partir plus rapidement aujourd’hui. Je crains d’épuiser Lisa avec mon bavardage. Les douleurs l’épuisent, d’autant plus que cette nuit, sa vessie s’est bloquée, nécessitant des soins.

Peu de temps après l’avoir demandé en ma présence, Lisa reçoit une injection qui la soulage rapidement. Assez pour m’emmener trotter avec elle à l’étage. Elle me montre les cœurs suspendus qu’elle a conçus pour la Saint-Valentin et qui ornent le plafond des soins palliatifs. Il y en a partout et c’est très gai. Lisa est drôle, et j’éclate de rire plusieurs fois en l’écoutant parler.

Tenant mordicus à retrouver ceux qui ont été confectionnés avec des brillants, Lisa m’entraîne avec elle dans les dédales de l’étage. Après avoir tourné tant à droite qu’à gauche, on les voit finalement, là… accrochés au plafond de la salle à manger des soins de longue durée.

Sacrée Lisa!

Elle a dû travailler d’arrache-pied pour concevoir autant de cœurs.

On se quitte cet avant-midi-là avec de grands sourires et des petits au revoir de la main.

De mon côté, j’ai une mission urgente: dénicher les meilleurs éclairs au chocolat avec de la CRÈME CHANTILLY.

26 janvier 2011: ma première rencontre avec Lisa

Vendredi 28 janvier: ma deuxième rencontre avec Lisa

2 février: ma troisième rencontre avec Lisa

4 février: ma 4e rencontre avec Lisa

9 février: ma 5e rencontre avec Lisa

16 février: ma 7e rencontre avec Lisa

19 février: ma 8e rencontre avec Lisa

23 février: ma 9e rencontre avec Lisa

25 février: ma 10e rencontre avec Lisa

2 mars: mon avant-dernière rencontre avec Lisa

4 mars: ma dernière rencontre avec Lisa

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