De forme plutôt oblongue, donc plus haute que large, elle est d’un rouge rosé avec un fond jaune crème. Croquante en bouche, elle est surtout fruitée et sucrée, avec une petite pointe d’acidité, lui conférant une sensation de fraîcheur lorsqu’on la mange. À maturité durant les deux dernières semaines de septembre et au début d’octobre, le fruit se conserve aussi très bien, ce qui permettra sa commercialisation jusqu’en avril. Qui plus est, elle se cuisine bien et reste assez ferme après sa cuisson. Son nom? La Rosinette!
Mais ne la cherchez surtout pas dans les marchés d’alimentation, ni même dans les marchés publics ou les kiosques de fruits et légumes, car la Rosinette n’est cultivée pour le moment qu’en petites quantités. En fait, à peine sept vergers seulement à travers le Québec en possèdent, dont deux à Saint-Joseph-du-Lac (à la Ferme Villeneuve et au Verger Lacroix) et deux à Oka (au verger Jude-Pomme et au verger-cidrerie Cœur de pomme). Et dans la région immédiate, elle ne peut être achetée qu’aux deux vergers d’Oka et au Verger Lacroix, ainsi qu’au marché Jean-Talon, à Montréal.
La Rosinette est une création du collectif La Pomme de demain, un regroupement d’une cinquantaine de producteurs agricoles et de gens de divers horizons. Celui‑ci a été fondé avec l’objectif de diversifier la production pomicole en tentant de trouver de nouvelles variétés adaptées aux conditions climatiques du Québec ayant un rendement satisfaisant et dont le fruit est d’excellente qualité.
«L’objectif, quand nous nous sommes assis autour d’une table, en 1986, c’était de retrouver notre place sur les tablettes et les étalages aux côtés des McIntosh et Cortland qui se vendent à l’unité. Avec une pomme créée au Québec, nous souhaitions offrir des pommes plus sucrées et fruitées par rapport à ce qui est offert actuellement, ce que les consommateurs recherchent de plus en plus», d’expliquer Roland Joannin, initiateur du collectif qui, à ses débuts, comptait à peine neuf membres.
Il faut savoir que Roland Joannin est originaire de la région de Lyon et qu’il est né sur une exploitation agricole dédiée aux cerisiers, pêchers et nectariniers. Il connaissait donc le milieu agricole avant de s’installer au Québec. «Rien ne me destinait cependant aux pommes. Un stage au Québec m’a permis de découvrir Saint-Joseph-du-Lac en 1982. Je m’y suis plu et j’y suis établi depuis ce temps», raconte le Français d’adoption.
Dès 1994, de premiers croisements sont menés par l’hybrideur Roland Joannin. S’en suivra la création de 6 000 hybrides, dont un deviendra la Rosinette. Mais la nouvelle pomme, avant de faire son apparition, devra emprunter un long processus jusqu’à son exploitation en verger. Vingt ans d’efforts plus tard, la nouvelle pomme peut maintenant être goûtée par un plus large public.
Est-ce que Roland Joannin en est fier? «Oui, je suis fier de cette nouvelle pomme, mais je suis surtout fier de cette mobilisation des producteurs durant plus de 25 ans. Ce sont eux qui se sont pris en main pour essayer de régler une problématique qui les affectait. Ce sont eux qui ont entièrement financé cette recherche», répond l’hybrideur, alors qu’il cueille quelques pommes Rosinette dans des arbres du verger Cœur de pomme.
Si la pomme Rosinette est bien accueillie pour le moment par ceux et celles qui ont eu l’occasion d’y goûter, ce n’est pas demain qu’on la retrouvera en épicerie dans les grandes chaînes d’alimentation. «L’objectif maintenant, c’est d’y parvenir d’ici cinq ans. Ce n’est pas gagné d’avance, mais si les gens l’aiment, cela va aider», de dire M. Joannin.
Avec la naissance de la Rosinette, le collectif La Pomme de demain vise maintenant la mise en marché d’une nouvelle variété de pomme appelée pour le moment la Q‑370. Celle‑ci goûtera les fruits de la passion et le muscat. La nouvelle pomme viendra à maturité à la mi‑octobre, autour du congé de l’Action de grâce.
Qui a dit que c’était péché que de croquer dans une bonne pomme… surtout s’il s’agit d’une Rosinette?