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<em>Une estafette chez Artaud</em>: pour le lecteur avisé

Nicolas Tremblay propose Une estafette chez Artaud, récit publié chez Lévesque éditeur.

Une estafette chez Artaud: pour le lecteur avisé

Publié le 16/02/2012

Avis: Cet ouvrage est réservé aux plus de 18 ans. Mais entendons-nous bien, il s'agit ici de dix-huit années d'études postsecondaires, c'est-à-dire une maîtrise ès Lettres. La surveillance d'un directeur de thèse est conseillée.

Parce que le livre de Nicolas Tremblay intitulé Une estafette chez Artaud est un récit faussement théorique qui se nourrit de la pensée de celui qui a décrié et pourtant nourri le surréalisme. Une «autogénèse littéraire», de sous-titrer ce professeur de littérature du collège Lionel-Groulx, aussi directeur de rédaction chez XYZ.

On y entre par la biographie d’un Tremblay la plus prosaïque qui soit, mais en faussant immédiatement le rapport temporel pour glisser dans le Théâtre et son double, avec l’auto-engendrement via l’anus de son grand-père. Le ton est donné, on n’est pas chez les Parnassiens et la narration peut déjouer la trame du réel: bienvenue dans le divin délire créatif d’Antonin Artaud où le génie ne peut pas être fou.

Nous avons qualifié d’ouvrage ce livre et c’est effectivement un travail de moine (celui de Lewis?), que de colliger autant de données historiques pour faire s’entrechoquer une fois de plus les critiques du théâtre de la cruauté.

Barthes, Derrida, Calvino, Rousseau et Saussure… tous les philosophes de la littérature et de la linguistique, de même que des empereurs, sinon les dieux grecs, sont autant de figurants dans le récit qui se fait un petit florilège de l’époque du dadaïsme et autres élucubrations qui sévissaient subrepticement aux portes des théâtres, à défaut de pouvoir y accéder.

Il y a bien évidemment le frère ennemi, Breton, ainsi qu’un lien maternel envahissant tout à fait nécessaire dans la croisée des personnages. Et c’est là où l’auteur créé son propre personnage romanesque, avec sa généalogie et le récit de quelques déboires artistiques.

Celui qui se nommait à la première personne, dans l’incipit, passe ensuite à la troisième personne, quelque chose comme l’auteur et son double couchés sur la même page. Et de là, on fait une sérieuse incursion dans la pensée et l’esthétique d’Antonin Artaud sur des élans poétiques et théâtraux. Dessins en sus.

Pour être plus halluciné que ça, il faut monter visiter les Tarahumaras à dos d’âne et manger des moisissures de peyotl écrabouillées par un sorcier malicieux dans un bol en bois. Mais aussi prévoir des électrochocs au retour avec suivi médical épistolaire.

Vous aurez deviné qu’il s’agit de littérature branchée(!), de la métalinguistique, oserions-nous commenter, ce que la qualité d’écriture confirme dans un style très habile soutenu par une grande maturité artistique.

Avis: Nous ne vous recommandons pas ce livre, à moins que vous ne soyez féru de littérature et ponctuellement atteint de crises surréalistes. Mais si tel est le cas, alors il est prescrit de recevoir cette estafette envoyée par Lévesque éditeur et l’ouvrage proposé (voyez encore… j’ai même pas fait exprès), compte 213 pages.