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<em>Une autre planète:</em> Réal Béland interactif

Une autre planète: Réal Béland interactif

Publié le 18/03/2016

Certains diraient «radioactif», pour l’allure générale et l’ensemble de l’œuvre, mais ce serait mal connaître l’homme et surtout l’artiste qui se cache derrière le personnage de Réal Béland, lequel s’apprête à boucler la boucle de son troisième spectacle solo, «Une autre planète», avec une représentation à venir à Sainte-Thérèse, le dimanche 3 avril.

«C’est un spectacle beaucoup plus personnel que les autres, avec beaucoup de stand-up», avise-t-il d’emblée, signalant du même coup que l’enrobage visuel porte la signature de Moment Factory, ce qui lui permet, par exemple, de diffuser la biographie de ses personnages (le King des ados, La Madame du sexe et un nouveau venu, Messkurtz, notamment) et des petits bouts de films entre les numéros.

Plus est (et c’est là le lien avec le titre qui coiffe cet article) il sera possible, en se branchant sur le site interne du spectacle avec un téléphone intelligent, d’intervenir sur certains éléments de la représentation. «Par exemple, les gens peuvent choisir le fond de scène, écrire à la Madame du sexe ou me suggérer qui appeler en M. Latreille», énumère Réal Béland, au bout du fil.

Voilà bien un aspect de la personnalité artistique de l’humoriste qui aime bien se mettre, sinon en danger, du moins en déséquilibre. «Quand tu fais 200 fois le même spectacle, ça peut devenir aliénant de répéter toujours la même chose. C’est bien d’avoir des choses pour se motiver et se garder sur le qui-vive», dit-il.

Un univers et des planètes

Et le personnage de M. Latreille (qui a joué 1 500 tours au téléphone en direct, jusqu’ici) est taillé sur mesure pour cet exercice, avec des résultats étonnants, notamment lorsque les gens (ses victimes ont généralement entre 50 et 70 ans) se laissent aller à des confessions intimes à l’adresse d’un parfait inconnu. «Il y a beaucoup de choses, là-dedans, de dire Réal Béland. Je pense d’abord que les gens s’ennuient. Il y aussi le fait que les Québécois sont naturellement gentils avec les gens sympathiques comme M. Latreille. Comme il est très vulnérable, ils sont portés à lui ouvrir leur porte. Ils ont de la difficulté à être bêtes avec lui.»

Voilà un personnage parmi bien d’autres, dans un univers que l’humoriste habite, seul sur sa planète, à observer celle que nous habitons. De la même manière, dira-t-il, ses personnages sont à ce point différents qu’ils représentent autant de planètes dans cet univers qui est le sien. «Chacun a sa couleur propre, tout simplement parce que j’aime toujours aller aux opposés quand je crée des personnages», explique-t-il.

«Et je trouve toujours ça absurde, enchaîne-t-il, quand on dit de moi que je suis absurde, parce que tout ce qui est drôle l’est forcément. Pour moi, quelque chose de bizarre est plus abstrait qu’absurde». En fait, le procédé clownesque (des solutions de clown à des problèmes de clown) collerait davantage à son travail, ce dont il convient.

Il reste cinq représentations de ce spectacle produit et mis en scène par lui-même et qu’il a co-écrit avec son complice de toujours, Stéphane Lefebvre, c’est donc dire que la chose a été rodée au millième de tour. En élaguant, en rythmant, en coupant quelques numéros, on est passé de trois à deux heures de spectacle, incluant l’entracte.

Peaufinage et synchronisme

Et contrairement à ce que l’on pourrait croire, Réal Béland dit de lui-même qu’il est l’un des humoristes qui peaufine le plus ses textes et ses numéros. Ce genre de chose ne se voit pas toujours, mais peu suffire à expliquer le succès de la démarche. «À part pour M. Latreille, c’est extrêmement rare que j’improvise. Tout est prévu à la seconde», dit-il, à une exception près, lorsqu’il fait connaissance avec son public, en début de soirée.

Après coup, la machine se met en marche et s’inscrit dans un mouvement synchronique s’appuyant sur le fameux «timing», une notion qu’il a apprise malgré lui en observant son père, le regretté Tit-Gus : «C’est comme une musique entre le public et toi. Ça va jusque dans tes formulations de gags. Il faut que ça sonne musical. Des fois, tu enlèves une syllabe ou un mot, et ton gag va puncher. Tu rajoutes le mot, il ne punche plus. C’est dur à expliquer, mais c’est très mathématique, l’humour.»

Pour voir ce que ça donne et pour assister à l’enterrement du King des ados, qu’il fera pour la dernière fois («Ça suffit! Je pourrais être son père…»), rendez-vous au Théâtre Lionel-Groulx, le 3 avril. Pour plus d’information: [www.odyscene.com].