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Qui est Monsieur Lazhar?

Mohamed Fellag est parfait en Bashir Lazhar.

Qui est Monsieur Lazhar?

Publié le 20/02/2012

Sans trop qu'il n'y paraisse, le film de Philippe Falardeau est extrêmement critique envers le réseau scolaire et plus profondément assassin envers son pudding pédagogique.

Mais ça ne paraît qu’à peine, parce que c’est de la dévotion d’un homme blessé dont il est question, envers des enfants non moins meurtris par un évènement cruel.

La plongée dramatique est immédiate et l’histoire de Monsieur Lazhar n’aura de cesse de s’enrichir à mesure que cet immigrant fait son entrée, puis s’installe dans une petite école primaire. Le film faisait l’objet d’une projection spéciale, dimanche dernier à Ciné-Groulx, en compagnie de l’auteure de la pièce Bashir Lazhar, Evelyne de la Chenelière.

Le drame qu’il porte est immense, mais dans cette petite école de quartier, les enseignants sont perturbés par le suicide de l’une des leurs qui pèse comme une chape de plomb. Et plus sévèrement encore sur les enfants qui ont perdu leur enseignante.

Hormis les séquences qui nous font ponctuellement découvrir cet Algérien si seul au monde, le lieu principal du film demeure cette école, sa cour et plus précisément la classe de Monsieur Lazhar, où le réalisateur a superbement fait jouer ses jeunes comédiens.

Mohamed Fellag est parfait en Bashir Lazhar, perdu sans les siens dans cette quête d’un pays, mais Sophie Nélisse n’est pas seulement mignonne dans Les Parents, elle est vraiment à la hauteur d’un premier rôle, pendant qu’Émilien Néron est émouvant dans un moment précieux du film.

Danielle Proulx tient le rôle de la directrice d’école, avec toute l’inquiétude contenue de la part d’une femme qui doit assumer une situation impossible. Comme dans son jeu, les dimensions du scénario sont multiples et le tout savamment dosé.

Il y est bien évidemment question du suicide, mais beaucoup de l’immigration, de même que de pédagogie ainsi que de l’enfance. Monsieur Lazhar traite fortement de la rencontre des cultures et de la langue, à partir de Balzac jusqu’à Jack London, et ce, de l’Algérie jusqu’à Montréal.

Une étonnante séquence de danse révèle bellement le personnage, lorsque le disco tourne au Chaâbi, avec l’ajout d’un oud aux synthétiseurs. Monsieur Lazhar est plus qu’un personnage, il est une histoire dans l’histoire.

Le texte nourrit l’essence de cette classe de sixième année, dont les amis sont brutalement projetés hors de l’enfance, et la caméra trouve les images les plus révélatrices du trouble de chacun.

L’absence des hommes dans les écoles et les erreurs de femmes qui y perdent une part de raisonnement nous sont apparues comme l’une des principales critiques larvées du film, avec l’absence de la mère à la carrière internationale, tandis que sa fille vit un drame communautaire. C’est d’ailleurs Evelyne de la Chenelière qui incarne la mère dans une brève, mais importante déclaration.

Le film qu’a inspiré sa pièce n’a rien d’un blockbuster, mais ce type de long métrage devrait être coté 2 dans l’horaire télé et être constamment rediffusé malgré les années et dans tous les ciné-clubs du monde.

Heureusement pour la clientèle cinématographique à laquelle se destine Monsieur Lazhar, ceux-là n’auront pas besoin de la statuette de l’Oscar pour les convaincre d’aller y voir.

Cette nomination aura donc déjà eu l’effet escompté, puisque Ciné-Groulx affichait complet pour ce film qui taraudait l’esprit du jeune cinéaste depuis la Course autour du monde.