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Les grands espaces d’Emilie Clepper

Avec sa voix particulière et ses textes imagés, Emilie Clepper nous entraîne dans un voyage au cœur de ses origines.

Les grands espaces d’Emilie Clepper

Publié le 23/04/2012

En la voyant s’avancer sur la scène, avec de faux airs d’adolescente un peu gauche, le visage encadré de longs cheveux châtains, les yeux baissés, presque timide, on ne se doute pas de ce qui nous attend.

La route sans fin, les paysages qui défilent, leurs contours rendus imprécis par la vitesse. La mélancolie du départ, l’espoir du périple, la nostalgie du retour. Toutes ces choses, immenses, semblent contenues dans la menue personne d’Emilie Clepper, s’en échappant par sa bouche et ses doigts grattant la guitare, même par les pores de sa peau. Sa voix unique, à la fois pleine et brisée, emplit le cabaret de l’église Sacré-Cœur et le voyage commence…

La route, Emilie Clepper la connaît intimement. Elle l’aime, aussi. Profondément. Ça se sent. Née d’un père Texan (le chansonnier Russell Clepper) et d’une mère Québécoise, partageant donc son temps entre ses terres natales, elle l’a sillonnée d’innombrables fois, y trouvant toujours l’inspiration pour des pièces d’un folk doux aux accents country.

Ces voyages au Texas servent d’ailleurs de fil conducteur au concert, regorgeant de «chansons de train», thème apparemment récurrent dans l’œuvre d’Emilie Clepper. Elle chante les villes fantômes traversée par le Texas Eagle, elle chante pour les amours qui n’existeront jamais, pour son père et pour sa mère. Ses textes imagés évoquent de longues traversées, des paysages désertiques, le poids de ce qu’on laisse derrière.

La nature semble aussi omniprésente, la présence sous-jacente des éléments apportant un côté organique à la musique. La pièce Strangers to Misery, par exemple, à l’atmosphère solennelle et vaguement amérindienne, semble même dégager une odeur de terre mouillée, de racines. C’est dire la force des mots et la puissance d’évocation de la mélodie.

D’autres pièces rappellent la délicatesse de la pluie qui tombe, la tristesse des jours gris au ciel opaque, alors que Hill Country Night s’inspire des paysages vallonnés recouverts de genévriers du village de sa grand-mère.

Toute en nuances, réservant les éclats en cas d’absolue nécessité, la voix d’Emilie Clepper révèle une maturité hors du commun, tout comme les textes qu’elle compose. Cela n’a toutefois rien d’étonnant car elle parcourait déjà l’Amérique dès l’adolescence, accompagnant son père dans les bars où il se produisait ou travaillant en famille comme amuseurs publics, apprenant la guitare et le chant en autodidacte, inspirée par les musiciens qui croisent son chemin.

Avec l’orchestre qui l’accompagne, soit Rick Haworth à la guitare et au lapsteel, Justin Allard à la batterie et Michel-Olivier Gasse à la contrebasse, Emilie Clepper explore sa dichotomie québéco-texane comme elle explore les contrées désertiques ou les étendues neigeuses, mais aussi différents rythmes, différentes facettes de sa personnalité musicale. S’en dégage une sensualité inattendue sur un air sautillant empreint d’une saveur jazz, une théâtralité sombre, alors qu’elle nous amène un peu dans sa folie avec un rock plus agressif aux sonorités métalliques, une émotion contenue malgré la puissance de la voix, dans l’émouvante My Wonder qu’elle offre en toute fin de concert.