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<em>Les Chaises</em>: deux solitudes

La tendresse agacée

Les Chaises: deux solitudes

Publié le 23/01/2015

Initier les enfants à l’univers absurde d’Eugène Ionesco, voilà un défi que s’est lancé la compagnie PPS danse. Par le biais d’un équilibre entre théâtre et danse, l’auteure Lise Vaillancourt et le chorégraphe Pierre-Paul Savoie donnent un souffle inattendu à la pièce Les Chaises.

Interprétée par Sylvain Lafortune et Heather Mah, dans la peau du Vieux et de la Vieille, ainsi que David Rancourt dans celui de l’Orateur, le spectacle était présenté le 16 janvier dernier au théâtre Lionel-Groulx.

Inspirée par les indications scéniques extrêmement précises de Ionesco quant à la gestuelle des vieillards, Lise Vaillancourt a élagué le texte des Chaises alors que Pierre-Paul Savoie y a vu des indications chorégraphiques. Sur la musique de Benoît Côté, danseurs et chaises vont, viennent, virevoltent, s’effondrent. Et si le spectacle a été pensé pour un jeune public, il n’exclut cependant pas les adultes, qui peuvent également tremper un orteil dans l’univers déjanté de Ionesco.

Dans Les Chaises, un couple de nonagénaires vit reclus. Bien qu’allumés et en pleine forme, le Vieux et la Vieille souffrent de l’isolement, de la solitude. Cela semble particulièrement vrai pour lui, alors qu’elle paraît plutôt bien s’en accommoder. Elle redemande sans lassitude les mêmes histoires, tente de dérider son mari à l’aide de chansons et de jeux. Mais l’ennui reprend vite le dessus et le couple décide de convoquer une assemblée afin de révéler un «message pour l’humanité».

Les invités, militaires ou bambins, princesses ou girafes, se bousculent aux portes et tout part en vrille, les chaises envahissent l’espace et viennent à manquer. Sauf que les convives sont imaginaires, créés de toutes pièces par les vieillards esseulés…

La tendresse agacée, le geste d’une agilité pesante, le Vieux et la Vieille s’accrochent l’un à l’autre, se soulèvent, se portent mutuellement. Il y a quelque chose de clownesque, voire acrobatique, dans leur rapport, ce qui exprime à merveille tout l’aspect ludique du spectacle, lié au jeu des acteurs, mais aussi à celui des personnages, qui jouent à faire semblant, comme le feraient des enfants.

Lafortune et Mah deviennent les vieillards, exprimant avec le corps une lourdeur accusant le poids des années, une certaine brusquerie. Ces traits semblent accentués alors que le seul invité réel apparaît, soit l’Orateur venu aider le Vieux à délivrer son message.

Muet, l’Orateur se meut avec une légèreté lunaire, fluide, le corps libre de toute entrave. Il danse sur le silence, dans un moment onirique, et s’enfuit en traversant le public. Est-il l’esprit de la jeunesse envolée? Une âme d’enfant libérée d’un corps vieillissant? La fin, ouverte, laisse l’imagination vagabonder, les réflexions, émerger, sur la condition humaine et le parcours de la vie.