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Le vilain garnement

Mike Ward

Le vilain garnement

Publié le 14/10/2014

Chien, c’est le titre du plus récent opus de l’humoriste Mike Ward.

Celui-ci ignore cavalièrement le politiquement correct au nom de la liberté d’expression en humour. Intituler son spectacle Chien, c’est peut-être, outre un premier degré évident, une façon de dire que s’il jappe beaucoup, il ne mord pas nécessairement… L’irrévérencieux comique était de passage au Théâtre Lionel-Groulx, le samedi 11 octobre dernier, nous conviant à une soirée au contenu souvent cru et provocateur, parfois générateur de malaises, que l’on accueille toutefois avec joie.

Car c’est pour ça qu’on est là, non? Pour se faire brasser la cage, se faire parler sans gants blancs, être choqués pour le simple plaisir de l’être. Car Mike Ward ne s’enfarge pas dans les fleurs du tapis, pas plus qu’il ne s’embarrasse de métaphores ou d’épithètes. Il annonce d’emblée ses couleurs avec la présentation en voix hors-champs de sa première partie Daniel Grenier, et le public croule déjà de rire et d’anticipation. Celui qui précède Ward sur scène propose un tout autre style d’humour, fort d’une vingtaine d’années à peaufiner l’art de l’absurde au sein des Chick’n’Swell. Muni d’une guitare et d’une «valise russe», Grenier alterne des bijoux de chansons et de saynètes, utilisant autant les mots et les attitudes physiques que les accessoires pour créer des univers loufoques suivant leur logique propre. Son passage laisse le public très bien réchauffé et paré à accueillir la tête d’affiche de la soirée.

Mike Ward s’offre une entrée de rock star, se libérant d’une cage métallique dont la structure robotisée se transforme en un X géant qui brillera des différentes nuances d’un éclairage soigné tout au long du spectacle. Un décor à la fois impressionnant et épuré, qui va droit au but, tout comme la performance de son occupant, d’ailleurs. Ward offre un véritable feu roulant de gags, enfilant les anecdotes et les réflexions pendant près d’une heure trente sans entracte, s’arrêtant seulement le temps de quelques gorgées de bière. Tirant sur tout ce qui bouge, souvent sur lui-même d’abord pour ensuite élargir l’anecdote à un plus grand dénominateur, l’humoriste ne fait pas dans la dentelle pour nous parler d’hommes d’un certain âge s’affichant avec des femmes beaucoup plus jeunes, de pédophilie, d’alcool au volant, de racisme. Utilisant une sorte de psychologie inversée, il dénonce par exemple l’homophobie ou la xénophobie en offrant une version extrapolée des préjugés courants, pour mieux en souligner le ridicule.

Et c’est pour ça qu’on l’aime, ce monsieur Ward. Car comme il le dit lui-même, il est «une bonne personne qui fait de l’humour méchant». On peut donc s’identifier à lui et rire sans culpabilité, l’humoriste nous offrant un exutoire collectif. Toutefois, peut-être comme en réponse à ses nombreux détracteurs, on a l’impression que Ward s’excuse presque, parfois, précisant «c’est juste des gags!». Cela donne l’impression d’un magicien révélant ses trucs, atténuant l’effet du tour. Les gags perdent ainsi un brin de leur côté percutant, générant moins de ces réactions à la fois horrifiées et enchantées, et plus de cette appréhension presque bienveillante avec laquelle on accueille les blagues de mauvais goût du vilain garnement à l’arrière de la classe, celui qu’on aime pareil parce qu’il a un bon fond.