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Le dîner de cons: un huis clos délirant

Le dîner de cons: un huis clos délirant

Publié le 03/04/2009

C’est mercredi. Pierre Brochant s’apprête à sortir, comme de coutume. C’est que, tous les mercredis, celui-ci et ses amis organisent des «dîners de con». Chaque convive doit amener un con et l’on s’amuse à le faire parler pour s’en moquer impunément.

Pierre est fébrile, il a déniché un «con de classe mondiale» et est impatient d’exhiber ce spécimen rare! Un tour de rein l’empêche cependant de prendre part au dîner, qui est d’ailleurs source de conflit entre Pierre et son épouse Christine. Confiné à la maison, Brochant recevra la visite de «son» con, François Pignon, pour une soirée riche en catastrophes!

C’est le Théâtre Voie d’accès qui propose cette nouvelle lecture de la pièce de Francis Veber, mieux connue pour son adaptation cinématographique de la fin des années 1990. Pierre Brochant, François Pignon, Juste Leblanc, Lucien Cheval et Marlène Sasseur sont de retour pour notre plus grand plaisir, dans ce huis clos délirant dont les deux heures filent à une vitesse folle. Et si le texte est savoureux, les interprètes le sont tout autant. Le dîner de cons, dans une mise en scène dynamique et originale de Renaud Paradis, met en valeur le côté loufoque du texte, misant sur un jeu très physique et appuyé. Les expressions faciales sont exacerbées, renforçant le sens des mots. Tout a également été pensé pour rappeler au spectateur que tout ce qu’il voit et entend fait partie d’un spectacle. Le rideau de scène est toujours visible, encadrant le chic salon des Brochant. Des effets sonores comiques viennent appuyer les mouvements, les comédiens interpellent le manipulateur de console sonore ou encore le public. On est bel et bien au théâtre, on ne peut s’y tromper, et c’est pour cela que tout peut arriver, n’en déplaise à Pierre Brochant!

L’arrivée de Pignon est à la source de tous ces chamboulements, son grand désir d’aider et son besoin de faire partie de la bande ne faisant pas bon ménage avec ses faibles capacités intellectuelles et sa maladresse. Nicolas Létourneau interprète de manière incroyable cet imbécile heureux, le rendant à la fois touchant, désopilant et exaspérant. Pierre Brochant (Emmanuel Bédard) doit composer avec ce personnage déroutant et dont il a besoin bien malgré lui. Frôlant la crise de nerfs, mais n’éclatant pas avant le dénouement, il demeurera d’un calme désespéré et des plus drôles. Le Juste Leblanc de Martin Boily est hilare devant les malheurs de son ami, tandis que Marie-Hélène Lalande (qui joue aussi Christine) confère à Marlène Sasseur des intonations de tragédienne, alors que le contrôleur fiscal et ami de Pignon, Lucien Cheval prend plaisir à provoquer les malaises, constituant ainsi un entourage étoffé au duo central de cette comédie un peu tragique.

La tristesse de Pignon lorsque le pot aux roses lui est accidentellement révélé, le cœur brisé de Marlène ou encore l’accident de Christine révèlent la grande sensibilité de ce con au grand cœur. L’arroseur sera arrosé et la leçon bien comprise par Pierre Brochant, qui prend conscience de la cruauté de ses comportements et se sent devenir le dindon de la farce. Karma ou juste retour des choses pour le dénouement de cette hilarante comédie plein d’humanité dont la morale pourrait être «quand on se compare, on se console»!