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La vie comme un téléfilm

Photo Yves Déry:Suzanne Garceau (Marthe) et Sarah Desjeunes (Line) dans une scène de La grande sortie, comédie à l’affiche du PTDN jusqu’au 19 août.

La vie comme un téléfilm

Publié le 28/06/2011

C’est dans la maison de la famille Brouillette que nous convie cette année le Petit Théâtre du Nord. En plein cœur de la décennie 1980, avec sa musique, ses coupes de cheveux, ses tenues vestimentaires et sa décoration intérieure. Mais surtout sa télévision.

La télévision, celle qui a accompagné, bercé et fait rêver Marthe à grand renfort de séries américaines, de téléfilms et de jeux-questionnaires, pallié à l’absence de Chantal, l’enfant rebelle, la fugueuse, et celle de Marcel, le père et mari fantôme…

Marthe, c’est aussi la mère de Line et de Richard. La mère au centre de tout, de qui dépendent toujours ces enfants devenus adultes, une mère qu’ils tiennent pour acquise sans même s’en rendre compte. Mais celle-ci est atteinte d’un mal incurable et ses jours sont comptés. On n’assiste pas à l’annonce du terrible diagnostic, la situation est établie d’entrée de jeu. Ainsi, l’histoire débute alors que Marthe, Line et Richard continuent à vivre avec cette épée de Damoclès au-dessus de leurs têtes, tentant de concilier le quotidien avec l’attente et la maladie.

Dans ce contexte, le retour de Chantal, après une absence de douze ans, vient bouleverser leur existence, rouvrant des plaies, provoquant d’inévitables confrontations, mais resserrant par le fait même les liens entre les membres de cette famille à la communication jusque-là défaillante.

La pièce s’amorce avec un monologue drôle et touchant de Marthe (magistrale Suzanne Garceau), une réflexion sur sa mort prochaine et le cinéma, sur ce que sera le film de sa vie. Surgissent alors Line et Richard (Sarah Desjeunes et Sébastien Gauthier), pressés, empressés, mais aucunement à l’écoute de leur mère paradoxalement sereine. Sérénité qui sera troublée par le retour inespéré de Chantal (Mélanie St-Laurent), générant chez Marthe une joie douloureuse à regarder.

Réunis, ces trois grands enfants redeviennent gamins, puérils, immatures, se laissant prendre au jeu. Cependant, la progéniture de Marthe fait aussi équipe, pour le meilleur et pour le pire, tentant de lui faire revivre les moments forts de son existence, quitte à les enjoliver, voire en inventer de toutes pièces pour la réconcilier avec son passé avant l’inévitable passage. Marthe explore donc ses souvenirs, les partage et les recrée à son goût, avec l’aide de ses enfants.

Jonathan Racine met ici en scène une galerie de personnages en apparence typés, mais qui recèlent une certaine profondeur, plusieurs facettes que l’on découvrira au fil de leur évolution, si minime soit-elle pour certains. Ainsi, Line la bonne vivante se révélera névrosée, ultraconservatrice, obsédée par l’ordre et la structure, une éternelle laissée pour compte enviant Chantal d’être partie. Cette dernière, sous ses dehors durs, ses airs de mouton noir, s’avérera fragile et vulnérable, hantée par son passé. Elle sera même l’instigatrice du «projet souvenirs». Quant à Richard, que l’on croit cantonné au rôle du comique de service, il fera finalement preuve d’une étonnante douceur, surmontant sa difficulté à parler de ses émotions pour concocter ce qui deviendra l’émouvante finale de la pièce. Et que dire de Marthe, en paix, solide et attendrissante tant elle est authentique, tout simplement vivante jusqu’à la toute dernière seconde du film de sa vie.