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Isabelle: les cachotteries de Fabien Dupuis

Fabien Dupuis

Isabelle: les cachotteries de Fabien Dupuis

Publié le 20/09/2013

On connaît bien le comédien Fabien Dupuis pour ses rôles à la télévision. Pour l’enfant de la décennie 1980 dont je suis, son nom évoque immanquablement la veste de cuir du rebelle Chicoine de la série Watatatow.

Cependant, depuis le 13 septembre dernier, cette image se juxtapose à celle de Daniel, cet homme-enfant issu du «stand-up tragique» Isabelle, écrit par Dupuis et qu’il jouait ce soir-là près de nous, à la Maison Lachaîne.

Car oui, Fabien Dupuis écrit en cachette depuis une vingtaine d’années, fort bien d’ailleurs, et présente depuis 2012 le fruit de son labeur dans une tournée Québécoise, le tout mis en scène par Marc Béland.

Isabelle, c’est la meilleure cousine de Daniel, celle qui n’a peur de rien, celle avec qui tous les jeux sont possibles et qui lui permet d’échapper momentanément aux foudres d’une mère mal dans sa peau et à la gifle rapide. Daniel apprécie surtout la lutte et ses contacts intimes, lesquels éveillent des sensations nouvelles dans son corps d’enfant de 8 ans.

Au fil des quelques années qui suivent, leur passion grandissante pour la lutte suscite des soupçons. Les deux enfants modifient donc leurs jeux, préférant jouer «aux parents qui se couchent»… Ils sont bien vite surpris par la mère de Daniel au milieu de leurs ébats précoces. Cet épisode changera la vie du garçon à jamais, puisqu’il s’écoulera 25 années avant qu’il ne revoie sa cousine.

Face à cette séparation forcée, Daniel développe une obsession d’Isabelle, qu’il imagine grandir et vieillir en beauté, imaginant leur mariage et leur nuit de noces, la dessinant des années durant.

Le Daniel qui raconte l’histoire a plus de 30 ans, n’a jamais perdu sa virginité et habite toujours avec sa mère. Il semble n’avoir pas évolué, utilisant un vocabulaire restreint et des expressions enfantines, alors qu’il évoque un passé ordinaire ou un présent banal.

Toutefois, pour les choses de l’imagination, par exemple lorsqu’il s’évade par le dessin ou qu’il dépeint les moments grandioses vécus avec Isabelle, son esprit simple apparaît se libérer de ses entraves. Il s’exprime alors avec une éloquence à la hauteur de ses rêves les plus fous, ses paroles appuyées en musique.

Car il est seul en scène, Fabien Dupuis incarne chacun des personnages qu’il a créés. Il le fait avec subtilité, modifiant légèrement le ton de sa voix ou ses inflexions pour donner vie à sa mère, son père, le médecin. La sobriété du procédé en nourrit la crédibilité, l’emphase étant alors mise sur l’émotion.

On ressent ainsi sans mal la colère désemparée de sa mère, alors qu’elle explique au médecin la vie avec son enfant différent, de même que la sincérité des excuses de son père, derrière lesquelles on perçoit un important bagage émotif, ou encore la cruelle déception de Daniel, alors qu’il revoit enfin Isabelle sans d’abord la reconnaître.

L’écriture et l’interprétation de Fabien Dupuis passent habilement du comique au tragique, plusieurs répliques faisant rire ou sourire à des moments inattendus. En empêchant ainsi le récit de s’enliser dans le piège de la lourdeur et de la complaisance, Dupuis et Béland font d’Isabelle une remarquable réussite.