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<em>Coteau Rouge</em>: un conte urbain

Roy Dupuis et Céline Bonnier dans une scène de Coteau Rouge.

Coteau Rouge: un conte urbain

Publié le 23/01/2012

Nouvelle soirée-rencontre au club cinématographique Ciné-Groulx, une nouvelle fois avec le réalisateur André Forcier, lequel avait également répondu à l'invitation de Frédéric Lapierre, en 2009, pour nous présenter Je me souviens.

L’animateur nous conviait cette fois, avec Coteau Rouge, à nous plonger dans l’univers complètement déjanté d’André Forcier, cinéaste qu’il qualifie en toute simplicité d’unique et d’inclassable, plutôt que de se confondre en épithètes.

Coteau Rouge, c’est le nom d’un quartier, l’histoire d’une famille, le clan Blanchard, dont le patriarche Honoré, fils d’un «esturgeon gros comme une baleine», initie son fils Fernand à sa profession: vidangeur de cadavres dans le fleuve Saint-Laurent.

Ce dernier tente de s’affranchir de l’affaire familiale en investissant dans une petite station-service et en épousant sa belle Micheline. On retrouve le trio, bien des années plus tard, alors que Fernand écoule des jours heureux entre son Ekonogaz et ses parties de pétanque, qu’Honoré lutte pour la survie des esturgeons et que Micheline se fait grand-mère porteuse pour sa fille Hélène, mariée à un riche promoteur immobilier qui tente d’acheter toutes les maisons de Coteau Rouge pour les transformer en condos de luxe. Hélène a un frère, Henri, dont le mode de vie est à des lieues du sien, mais qui consacre tout son temps à adoucir les derniers moments de sa femme Estelle, atteinte d’un cancer…

La trame narrative est cousue de nombreux fils qui s’entrecroisent par le biais des membres de la famille Blanchard. La famille, celle qu’on aime inconditionnellement, celle qui est toujours là pour nous, celle qui nous fait parfois honte et dont on désire s’affranchir, la famille des liens du sang, mais aussi celle que l’on crée avec des gens que l’on choisit. Coteau Rouge la célèbre sous toutes ses formes, soulignant la beauté de la vie qui finit toujours par triompher de l’adversité, tant que l’on a une famille sur laquelle compter.

Avec pour point de départ la légende de la mère esturgeon et sa musique mystérieuse accompagnant des images d’algues ondoyantes, sa galerie de personnages plus grands que nature, l’aura de magie dégagée par le quartier de Coteau Rouge, le film baigne dans une subtile ambiance de conte, bien qu’il se déroule dans un environnement résolument actuel.

Après la projection, le réalisateur André Forcier et son épouse, productrice, monteuse et coscénariste Linda Pinet, ont répondu aux questions de Frédéric Lapierre et de l’auditoire.

Ainsi, nous avons pu apprendre que, dans l’univers de Forcier, les personnages arrivent souvent avant l’histoire. Ceux de Coteau Rouge ont commencé à prendre forme à la suite d’un déménagement d’un quartier cossu à un quartier ouvrier, lequel a séduit Forcier par son charme patrimonial. Avec son film, il déplore donc le phénomène de la «gentrification», ce processus qui transforme le profil économique et social d’un quartier au profit d’une couche sociale supérieure. Le réalisateur dénote également l’absence d’une mythologie propre au Québec, s’insurgeant contre notre peur d’exister, d’où l’aspect «conte» de Coteau Rouge.

«Un grand bordel plein de branches et d’avenues», c’est ainsi que Linda Pinet décrit les films de Forcier avant que, bien sûr, elle n’y mette de l’ordre, s’amusant à construire et à reconstruire, à structurer et traduire la poésie imagée de son mari. Et lorsqu’on lui demande comment, après ces récentes années difficiles, il a pu réaliser un film aussi positif, aussi débordant de bonheur, Forcier répond simplement: «Ça doit être à cause de ma femme!»

Un mot aussi sur la «famille Forcier», cette impressionnante brochette de comédiens qui, souvent, se retrouve dans ses films (Céline Bonnier, Roy Dupuis, Gaston Lepage, France Castel, Louise Laparé, Mario-St-Amand, pour ne nommer que ceux-là), dont certaines comédiennes ont fait parvenir un mot d’hommage pour le réalisateur. Les mots démesure et imaginaire, sensibilité et passion étaient au cœur de ces courtes missives, mais aussi de Coteau Rouge.