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Bastian Baker: clair obscur

Artiste à découvrir absolument

Bastian Baker: clair obscur

Publié le 15/05/2015

Dans le cadre de mon travail, je suis appelée à assister à de nombreux concerts, spectacles et événements de tous acabits. Il m’arrive d’en rester perplexe, émerveillée, étonnée. Mais mon plus grand plaisir demeure celui de la découverte d’un artiste, de son univers et de son œuvre, puis d’être conquise par ces derniers.

J’ai donc été rassasiée sur ce plan le 9 mai dernier au Cabaret de l’église Sacré-Cœur, alors que l’auteur-compositeur-interprète Bastian Baker en foulait la scène avec sa guitare, accompagné de son acolyte Simon Jaccard au piano et à l’harmonica.

Âgé de 23 ans, Baker nous arrive de Suisse, où son nom est sur toutes les lèvres. Il est ici moins connu, mais possède déjà une solide armée de fans, comme en témoignait la jolie chorale de spectateurs qui entonnait spontanément ses chansons. Rigolo, charismatique et accessible, Bastian Baker établit d’emblée un contact étroit avec son public, à coup d’anecdotes de tournée, de réflexions sur le climat québécois et d’encouragements pour les Canadiens de Montréal qui disputaient alors un match crucial. Mais c’est aussi bien sûr avec sa musique qu’il s’acoquine les néophytes et gagne de nouveaux fans, dont l’auteure de ces lignes. Colorful hospital lance le concert avec un folk aux légers accents country, qui laisse entendre une voix particulière et nuancée. Il admet d’ailleurs amorcer chaque spectacle depuis quatre ans avec cette même chanson. Ce rituel accompli, il continue dans la même veine ensoleillée avec Follow the wind, qui déjà convainc les spectateurs de battre la mesure, les parties a capella de la pièce achevant d’établir une solide complicité avec le public.

Puis, avec des morceaux tels The Road, I Won’t Cry ou Come Home, Bastian Baker explore des contrées mélancoliques grâce à des mélodies délicates et une émotion à fleur de peau, mais toujours contenue. Les notes égrenées du piano et de la guitare se mêlent à de subtiles nuances vocales pour révéler une lumière sous-jacente aux textes plus sombres, comme se lève le soleil sur un jour marquant un nouveau départ. On rigole aussi avec Bastian Baker, alors qu’il y va, avec True Love, d’une chanson plutôt crue mais pleine de vérité sur la période «milieu» d’une relation amoureuse, sujet rarement abordé dans la musique populaire. Et, d’une atmosphère à l’autre, l’interprétation de Baker se fait toujours juste, alors qu’il mise sur la douceur et l’intériorité, réservant les éclats de voix pour quelques moments choisis. De ce fait, il évite brillamment le surjeu et le mélodrame, même lorsqu’il entonne une ballade typique avec One Last Time. On pense parfois à Damien Rice, notamment lorsque Baker propose sa version, magistrale et dépouillée, de l’Hallelujah de Leonard Cohen, s’assoyant un instant pour en absorber toute l’intensité. Longuement et chaleureusement saluée, cette pièce constitue l’un des moments les plus forts du concert, auquel s’ajoute l’interprétation de Give me Your Heart, où l’artiste quitte la scène pour s’installer au beau milieu du public. Profitant de la superbe acoustique de l’église, il crée ainsi un écrin feutré pour un bijou de chanson, un instant privilégié hors du temps. Tout à fait à l’image de ce concert tour à tour festif et émouvant, mélancolique et lumineux, de la part d’un artiste à découvrir absolument.