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Banlieusardises

Banlieusardises

Publié le 14/10/2014

Classique de la comédie québécoise, la pièce Les Voisins, a été écrite par Claude Meunier et Louis Saia, au début de la décennie 80.

Ils y dépeignent avec ironie et humour une société peuplée d’individus qui vivent les uns près des autres sans réellement se voir, préoccupés qu’ils sont par leurs biens de consommation et leur confort matériel. Un sujet encore brûlant d’actualité qui, dans Les Voisins, prend place dans une banlieue anonyme où se réunissent trois familles pour une projection de diapositives qui tournera au drame.

Dans cette mise en scène de Frédéric Blanchette, le décor est en grande partie virtuel, des écrans géants servant à recréer tous les lieux en un seul espace. L’extérieur et la fameuse haie dont Bernard prend un soin jaloux (bien réelle, celle-là), les murs des différents intérieurs y sont projetés, de même que différentes images de la vie en banlieue lors des déplacements d’éléments de décors concrets. Évoluant dans cet univers judicieusement pensé, il y a Laurette la déprimée (Kathleen Fortin), son optimiste de mari Georges (Henri Chassé) et son émule Junior (Simon Lacroix), puis Bernard le nerveux (Roger La Rue), son épouse pragmatique Janine (Isabelle Vincent) et leur fille rebelle Susie (Sarah Laurendeau), et enfin, le macho Fernand (Claude Despins) avec sa femme-trophée, Luce (Guillermina Kerwin). Beaucoup de monde, beaucoup de paroles, souvent creuses, banales, pour combler les silences et les malaises, parfois profondes, mais incomprises, dans le cas de Laurette. Et dans ces efforts pour combler tous ces vides angoissants, quels qu’ils soient, on reconnaît la plume délicieusement absurde de Meunier et Saïa dans des répliques qui rappellent La petite vie, et parfois livrées de la même façon, consciemment ou non par les acteurs.

Alors que le rideau s’ouvre sur les deux écrans, qui rappellent irrésistiblement de gigantesques iPad, on pourrait croire à une relecture adaptée à ce début de 21e siècle. Il n’en est cependant rien, car la pièce, à l’instar de l’autre classique Broue, se déroule à l’époque de son écriture, références culturelles comprises, que ce soit par respect du texte ou par nostalgie. Le public retrouve donc avec joie le logo de Steinberg durant la scène de l’épicerie ou encore les photos de coupes de cheveux «à la mode» sur les murs du salon de coiffure dans lequel Georges et Laurette vivent leur «nouvelle redécouverte». Et si ces éléments, de même les téléphones à roulette ou les diapositives ne font pas sourciller, il semble étrangement que les commentaires sur le coût de la vie ou le langage adolescent daté de Susie rebutent certains spectateurs. Il est pourtant tout à fait clair que la pièce se déroule dans les années 1980, et une fois la convention acceptée, les rires devraient fuser à presque chaque réplique. Pourtant, beaucoup de gags tombent malheureusement à plat malgré la richesse du texte avec ses perles d’absurdité subtile, malgré le jeu impeccable des comédiens, malgré que Les Voisins soit un monument de la comédie d’ici. Peut-être est-ce le rythme un peu lent, certaines répliques inarticulées, la durée de la pièce? Quoi qu’il en soit, il semblerait que cette nouvelle mouture des Voisins n’ait pas tout à fait réussi à séduire le public térésien.