logo journal nord-info
icon journal
featuredImage

Isabelle Larouche, à proximité de Kangiqsualujjuaq, village situé au nord-est du Nunavik, entre les collines. (Photo courtoisie Marie Blanchard)

GalleryImage1

Le paysage prend parfois des teintes qui ont servi d’inspiration aux jeunes illustrateurs en herbe. (Photo courtoisie Marie Blanchard)

GalleryImage2

Suzie Morgan et Paul Jararuse, les deux anciens, en compagnie de l’auteure Isabelle Larouche. (Photo courtoisie Marie Blanchard)

GalleryImage3

Les enfants de Kangiqsualujjuaq, en compagnie de Paul Jararuse, Suzie Morgan et les responsables du projet. (Photo courtoisie Marie Blanchard)

GalleryImage4

Isabelle Larouche et Marie Blanchard présentent le résultat de leur séjour à Kangiqsualujjuaq. (Photo Claude Desjardins)

À quoi rêvent les jeunes Inuits?

Publié le 02/07/2020

Les jeunes Inuits sont comme les jeunes de partout ailleurs. Ceux que l’auteure Isabelle Larouche et l’artiste graphiste Marie Blanchard ont rencontrés, tout récemment, rêvent d’être joueur de hockey, chanteuse populaire, vétérinaire, caissière à la Coop ou illustratrice. Ils font aussi des grimaces à la caméra. Il leur arrive même d’écrire, de peindre, de dessiner, de mettre en page et de publier.

Tout juste avant la pandémie, et grâce au programme québécois La culture à l’école, volet Une école accueille un écrivain, elles ont séjourné à Kangiqsualujjuaq, village de 950 habitants situé parmi les collines et longé par la rivière George, à proximité de la Baie d’Ungava.

Sur place, elles ont supervisé un groupe d’enfants qui fréquentent l’école Ulluriaq, en 5e, 6e années et 1ère secondaire, dans le cadre d’un projet qui aura culminé par la publication d’un livre écrit, illustré et mis en page par les jeunes eux-mêmes. Une quinzaine d’élèves, en tout.

Rencontre avec les anciens

Intitulé Dangers sur la banquise, cet ouvrage paru aux éditions du Grand Élan fait le récit d’une chasse au phoque dont l’issue s’annonçait tragique, une histoire qui exploite les thèmes du courage, de la solidarité et de la débrouillardise. De la transmission du savoir, aussi, puisque c’est en écoutant deux anciens du village, Suzie Morgan et Paul Jararuse, qui ont connu la vie dans les igloos, les jeux qu’on s’inventait avec des cailloux ou des ossements d’animaux et les chasses aventureuses sur la banquise, que les enfants ont créé cette histoire qui s’étend sur une trentaine de pages et dont le texte nous parvient en français (langue d’immersion) et en inuktitut (langue maternelle et d’enseignement, jusqu’en troisième année). Des paysages peints à l’aquarelle, sur lesquels on a superposé des dessins réalisés avec des crayons de couleurs, complètent l’ensemble.

Ce genre de projet, Isabelle et Marie l’avaient déjà vécu (la première sur place, l’autre à distance) avec une communauté autochtone de l’Ouest canadien, et l’auteure eustachoise rêvait de l’importer à Kangiqsualujjuaq, là où elle avait débuté sa carrière d’enseignante, dès sa sortie de l’université, en 1991. Pour l’anecdote, sachez que l’une de ses anciennes élèves, Nancy Etok, est aujourd’hui directrice adjointe de l’école Ulluriaq.

 «C’est là que mon amour du Nord a pris sa source», exprime Isabelle Larouche que la lecture passionnée, alors qu’elle n’avait que huit ans, d’un livre dont l’action se déroulait en Laponie, avait menée jusque-là. En 2011, elle y était retournée en tant que conteuse et avait fait la tournée des 14 communautés inuits dispersées sur le territoire du Nunavik, pour y présenter son premier livre, La légende du corbeau. «Les gens se souvenaient de moi», dit-elle avec émotion.

L’envie d’y retourner

Or, voilà que cette nouvelle opportunité s’est présentée, via le programme Culture à l’école et la contribution financière de Kativik Ilisarniliriniq (la commission scolaire du Nunavik). Isabelle Larouche s’y est rendu le 6 février et Marie Blanchard l’y a rejointe une semaine plus tard. Duré totale du séjour : un mois. C’était aussi un rêve pour cette dernière, qui a toujours été proche de la nature et qui aurait même souhaité être Amérindienne, une pensée qui, à l’adolescence, s’incarnait jusque dans sa manière de se vêtir et de se coiffer. «J’ai été en extase pendant au moins deux semaines, sans arrêt», dit-elle à propos des paysages qu’elle a découvert à son arrivée. Coup de cœur, aussi, pour la population inuit, joyeuse, accueillante et souriante, calme et sagement économe de mots.

Il fallait tout de même travailler et l’on a d’abord organisé des rencontres entre les jeunes et les anciens (Suzie et Paul), on a puisé à pleine mains dans les récits qu’ils avaient rapportés de leur jeunesse, puis on s’est attelé à la tâche. On a fait une sélection parmi les anecdotes de Suzie et Paul pour créer une histoire, avec une situation initiale, un problème et sa résolution. «La structure de base d’un récit», résume Isabelle Larouche.

Marie Blanchard, qui a déjà œuvré dans le milieu du dessin animé (elle dessinait des personnages) et qui manie bien l’aquarelle, a intégré ces deux médiums dans les ateliers dispensés aux élèves qui ont ainsi créé le contenu visuel de Dangers sur la banquise. Plusieurs ont dû passer outre un certain manque d’assurance et de confiance, conséquence d’un trait culturel qui fait d’eux des êtres extrêmement perfectionnistes, expliquent les deux artistes. Le droit à l’erreur fait désormais partie de leur arsenal.

Grande déception, le lancement prévu localement au début du mois de mai, qui aurait aussi coïncidé avec la remise des diplômes, n’a pas eu lieu, en raison de la pandémie. Ce n’est que partie remise, d’autant plus qu’on a l’intention, cette fois, de faire la tournée des 13 autres communautés du Nunavik, ce qui permettra d’ajouter autant de tomes à cette collection appelée Les histoires de mon village. Avec le temps.