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Soubresaut théâtral avant la deuxième vague

Cette pandémie a créé une distance physique entre les gens, mais aussi un gouffre entre la vie d’hier et celle d’aujourd’hui. Sur scène, Mélanie St-Laurent et Sébastien Gauthier. (Photo Claude Desjardins)

Soubresaut théâtral avant la deuxième vague

Publié le 09/09/2020

Pendant qu’on supputait l’arrivée d’une deuxième vague de vous savez quoi, en brandissant des chiffres confirmant l’approche d’un nouveau seuil critique, le Petit Théâtre du Nord (PTDN) faisait la démonstration que son art est bien vivant et que sa pratique demeure possible malgré tout.

Tout au long de la dernière semaine et jusqu’à la fin de la présente, la troupe donnait un tout petit spectacle, une scène d’à peine quinze minutes qu’on trimballait d’une résidence pour personnes âgées à une autre, selon un concept appelé Théâtre au balcon. Cette courte pièce, intitulée Bonne fête meman!, écrite et mise en scène par Frédéric Blanchette, s’inscrivait dans un calendrier prévoyant 14 représentations, dans les sept villes de la MRC de Thérèse-De Blainville.

Un parfait condensé

On présentait alors la chose devant les résidences, les spectateurs s’installant à leur balcon; autrement on invitait les gens à se déplacer, comme ce fut le cas jeudi dernier, sur les parterres de la Maison Garth, à proximité des résidences M Lorraine et L’Héritage du Domaine Garth.

Là, Mélanie Saint-Laurent, Louise Cardinal, Jean-François Casabonne et Sébastien Gauthier incarnaient les personnages imaginés par Frédéric Blanchette, dans une piécette qui se voulait un parfait condensé de cette matière qui se renouvelle et se bonifie depuis la création du PTDN, en 1998, c’est à dire un plongeon au cœur de l’humain qui se défend par ses propres moyens devant les obstacles que la vie sème sur sa route, un miroir qu’on tourne vers le public en le faisant rire, d’abord, avant de le toucher droit au cœur et lui tirer au moins une larme.

«Les auteurs nous connaissent et chaque fois qu’on en approche un nouveau, il réussit toujours à écrire une pièce qui nous ressemble», exprimait Sébastien Gauthier, après la représentation, tout en se réjouissant de se retrouver à nouveau devant un public, aussi réduit fut-il.

Le vif du sujet

Ce public avait pu apprécier cette proposition on ne peut plus actuelle, mettant en scène quatre frères et sœurs qui, en pleine pandémie, avaient organisé une fête pour leur mère qui célébrait son 80e anniversaire de naissance. Une fête tout en distanciation et en façade, il va sans dire, puisque l’action s’y déroule au moment où il demeurait interdit aux proches de visiter leurs parents dans les résidences.

On relèvera que l’intelligence de ce texte réside dans un propos qui traite à la fois de distanciation physique (poussée comiquement à l’extrême pour certains individus), du fossé qui se creuse parfois entre les membres d’une même famille, et du gouffre immense qui existe désormais entre la vie d’aujourd’hui et celle d’avant.

Rien pour se changer les idées, dirions-nous, mais la réflexion des artisans du PTDN les ramenait toujours à ce constat que Mélanie St-Laurent résume ainsi : «Comment éviter ce sujet avec des gens qui ont été tellement touchés par ça? D’autant plus qu’on savait avec quelle vigilance et quelle sensibilité Frédéric (Blanchette) allait l’aborder.»

De fait, cette pièce pourrait très certainement servir de base à l’écriture d’une œuvre davantage consistante, qui rejoindrait en toute cohérence le catalogue du PTDN. «Ça pourrait devenir un spectacle qui fait appel à la mémoire. Un show de déconfinement qui mène à autre chose», de suggérer Jean-François Casabonne.

«Il y a eu beaucoup de blessures, durant la pandémie, et c’est le propre de l’art d’en parler, de transcender tout ça. Chacun le reçoit à différents degrés. Ça permet d’évacuer», proposait aussi Louise Cardinal.

La suite…

Quant à l’avenir du Petit Théâtre du Nord, il demeure aussi incertain dans l’immédiat que le vôtre. Difficile de penser à donner un spectacle dans une salle qui ne pourrait accueillir que 38 spectateurs soumis à toutes sortes de contraintes. Tout au mieux, on y tient des stages avec des finissants de l’École de théâtre professionnelle du Collège Lionel-Groulx. On publie ponctuellement des capsules vidéo et audio. On n’exclut pas une rencontre avec le public, incessamment, sans trop savoir comment. Et l’on se croise les doigts pour être en mesure de présenter, le printemps prochain, la pièce qui était au programme cette année.