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La déception, l’incertitude et toujours l’envie de créer

Sébastien Gauthier devant les nouvelles installations du Petit Théâtre du Nord, à Boisbriand. Quelques travaux restent à faire, mais la salle est prête à accueillir le public, dès qu’on en aura fini avec cette pandémie. (Photo Claude Desjardins)

La déception, l’incertitude et toujours l’envie de créer

Publié le 10/06/2020

La patience est mère de toutes les vertus, dit-on dans la langue des poètes, des philosophes et des dramaturges, et les artisans du Petit Théâtre du Nord (PTDN), qui devaient inaugurer très bientôt (le 19 juin) un nouveau lieu de création et de diffusion, à Boisbriand, devront une fois de plus contenir leur enthousiasme : ce sera tout au mieux à l’automne. Sinon à l’été 2021. Ou dès qu’un vaccin sera disponible.

«On a quand même eu le temps de voir venir les choses», exprime d’abord Sébastien Gauthier, comédien, metteur en scène et co-fondateur du PTDN, en faisant la chronologie des événements récents où l’on a vu s’éteindre graduellement, une à une, les petites lueurs d’espoir que les autorités publiques et sanitaires gardaient allumées, avant de mettre le Québec sur pause et d’annoncer, surtout, que les rassemblements publics seraient interdits jusqu’au 31 août.

Au PTDN, on s’est résigné et l’on a tout de suite reporté à l’an prochain le spectacle prévu cet été dans la nouvelle salle aménagée à l’église Notre-Dame-de-Fatima, une comédie de Simon Boulerice intitulée Nous nous sommes tant aimés. La déception, pour ne pas dire la peine, a été vive.

Un art vivant

«On croyait que c’était encore possible. On avait commencé à répéter sur Zoom. Tout le travail de table était fait. La conception des décors et des costumes aussi. Nous étions rendus à l’étape de la mise en place», raconte Sébastien Gauthier. Les gros montants (pour la scéno et les costumes) n’ayant pas encore été engagés, on a jugé qu’il était plus sage de reporter. Comme tout le monde.

Quand nous l’avons rencontré, au lendemain du point de presse de la ministre de la Culture, Nathalie Roy, qui annonçait une aide globale de 400 millions de dollars pour le monde des arts, Sébastien Gauthier était aussi peu emballé que la plupart de ses camarades du milieu théâtral. «J’ai l’impression que le gouvernement ne comprend pas notre métier», lâche-t-il.

D’abord, les salles auraient beau rouvrir avant le 24 juin, comme le suggère la ministre, aucune compagnie de théâtre ne serait prête à diffuser un spectacle. Sinon, même en appliquant les règles de distanciation, le PTDN ne pourraient tenir ses représentations que devant une trentaine de personnes. «Ce serait un peu comme faire une générale», soumet le comédien. Et gare aux postillons!

Et cette idée de capter des spectacles sans public pour les diffuser sur différentes plateformes ne tient tout simplement pas la route. D’abord, quiconque a déjà vu une pièce filmée sait que la chose, parce que les interprètes projettent leur voix, est quasiment insupportable. Et c’est sans compter que le théâtre, dans sa nature, dans son ADN, est un art vivant (Sébastien Gauthier est l’un de signataires de la fameuse lettre ouverte publiée à ce propos) qui ne prend tout son sens que dans un échange réel avec un public tout aussi réel. Faire autrement, mettre des micros partout, actionner la caméra et projeter le résultat sur un écran équivaudrait à nier tout cela.

Contre mauvaise fortune…

N’empêche, ce contact avec le public, le PTDN compte l’entretenir tout de même à distance numérique … en attendant. «Nous tournons des capsules, actuellement. Des scènes de nos anciennes productions qu’on pourra voir sur le Web. Nous enregistrons une lecture de Dromadaire (un texte de Fanny Britt) avec des effets sonores. Nous voulons aussi organiser des événement déambulatoires. Et nous projetons une ouverture de salle en décembre, avec un spectacle festif, mélange de théâtre et de conte, avec de la musique», annonce-t-il prudemment, puisque l’éventualité d’une deuxième vague de COVID-19 pourrait tout chambouler à nouveau.

Car il faut bien y faut bien y penser avant d’engager de l’argent dans le moindre projet. Les compagnies de théâtre sont, pour la plupart, très fragiles sur le plan financier. La situation est un peu différente au PTDN puisque, depuis plusieurs années, on avait constitué un fonds en prévision de gérer, un jour, une salle de théâtre. «Mais il y a des compagnies qui ne survivront pas. Surtout celles qui étaient déjà prêtes à jouer et qui avaient déjà dépensé leur argent dans la production. De notre côté, ça va pour le moment, mais nous n’aurons aucun revenu cette année», dit-il, puisque la plupart des gens choisissent (et il le comprend bien) l’option du remboursement. Restent les commanditaires majeurs qui sont toujours là. Tout tient encore. Pour l’instant.

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