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Un handicap qui pèse lourd: «Je mange des “cannages” quand il n’y a pas de repas de fait» — Marielle, 61 ans, aveugle

«Je mange des "cannages" quand il n’y a pas de repas de fait.»

Un handicap qui pèse lourd: «Je mange des “cannages” quand il n’y a pas de repas de fait» — Marielle, 61 ans, aveugle

Publié le 11/12/2012

Ne dit-on pas que le bonheur, voire l’amour rend aveugle? Si cette jolie citation s’applique à des moments de la vie où tout est plutôt rose bonbon, être aveugle ou non-voyant (dans la vraie vie) n’est pas une sinécure pour ceux qui sont affublés de ce handicap.

C’est ainsi que nous ferons connaissance avec Marielle (nom fictif), âgée de 61 ans, et résidant sur le territoire de Sainte-Thérèse. À condition qu’elle puisse préserver son anonymat, elle s’est décidée à lever le voile sur les conditions de vie qui prévalent actuellement dans son quotidien.

Un handicap qui pèse lourd

À cause de ce handicap qui l’afflige depuis sa naissance, Marielle n’a jamais vu la lumière de jour ni aucune source de clarté. Pourquoi s’attristerait-elle sur quelque chose qu’elle ne connaît pas? Ce serait plutôt à ceux qui la connaissent ou du moins qui s’intéressent un tant soit peu à elle de clamer haut et fort l’injustice dont elle est victime et surtout, d’exiger réparation.

Mais quand on n’a pas de famille pour être soutenu, le seul souhait pourrait être qu’une personne s’intéresse à soi, comme ça, au détour du chemin. Aujourd’hui, il n’en est rien. Marielle doit se débrouiller seule avec cette pension de l’État qu’on lui fournit mensuellement, et les quelques heures d’aide qu’elle reçoit de la COOP et du CSSS Thérèse-De Blainville.

Il n’y a pas si longtemps, il a fallu que l’ancien député de Groulx, René Gauvreau, se fâche afin que Marielle puisse ravoir des heures qu’on lui avait coupées. Les commissions, ça ne se fait pas tout seul.

Santé précaire

Marielle est affublée de diverses maladies sérieuses qui la laissent dans une grande fragilité physique. Toute menue, la voix discrète et douce, elle explique qu’elle ne bénéficie aujourd’hui (début novembre) que de 8 heures d’aide par semaine, au lieu des 14 qu’elle a toujours reçues.

(NDLR: Un appel reçu de Marielle le 26 novembre confirmait l’octroi de deux heures supplémentaires.)

Ainsi, depuis le mois d’avril 2012, six heures de soutien lui ont été enlevées graduellement, ce qui se traduit, chez elle, par des coupures dans la préparation de ses repas.

«Le plus urgent demeure l’épicerie», explique Marielle qui fait affaire, à tour de rôle, avec deux aides, à raison de deux fois par semaine. «Mais vu qu’elles ont moins de temps, je dois couper dans les repas. Alors, je mange des “cannages” quand il n’y a pas de repas de fait», dit-elle.

En ce qui a trait aux travaux ménagers, aux vêtements à acheter ou encore au lessivage hebdomadaire, Marielle les met parfois en mode pause parce que le nouvel horaire exige un remaniement complet du temps.

«Depuis 20 ans, j’avais 14 heures d’aide par semaine. Avec seulement 8 heures, on ne peut pas tout faire; il faut donc couper», déplore la sexagénaire.

Allergies et autres

Marielle doit aussi composer avec une allergie au lactose, une intolérance au gluten qui exige une diète, de l’ostéoporose avancée et un bras qu’elle ne peut plus soulever.

«Une travailleuse sociale est venue du CLSC pour réévaluer mes besoins», mentionne la dame qui était toujours en attente d’une réponse au moment de l’entrevue et qui espère retrouver ses heures de jadis, ne serait-ce que pour compléter toutes les tâches urgentes qu’il y a à faire chez elle: «Les heures qu’on me donne servent à faire mes commissions, la cuisine, lire mon courrier, et identifier la commande.»

Ses loisirs, elle les partage entre la lecture de livres spirituels ou de travaux d’écriture qu’elle fait. Parfois, elle sort sur son patio ou part se balader près de chez elle. «Même si j’ai gagné deux heures de plus, il m’en manque encore», conclut-elle.