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Toujours rien pour les adolescents et les jeunes adultes

Terry Aubin, Catherine Filiatrault, Sylvie Taillefer et François Larin. (Photo Jean-Marc Laliberté, collaboration spéciale)

Toujours rien pour les adolescents et les jeunes adultes

Publié le 20/04/2018

Bien que le Protecteur du citoyen leur ait donné raison, les parents de jeunes dysphasiques qui avaient porté plainte à propos de l’inexistence des ressources pour les 12-17 ans et les jeunes adultes, dans les Laurentides, ont pu avancer d’un tout-petit pas… pour se retrouver devant des portes closes.

Une douzaine de familles étaient à l’origine de cette plainte déposée en mars 2017 et nous avions rencontré les représentants de trois d’entre elles, en octobre dernier, aux bureaux thérésiens de Dysphasie Laurentides, un organisme qui s’est donné le mandat de faire connaître ce qu’il est désormais convenu d’appeler «trouble développemental du langage» (TDL) et qui se porte à la défense des personnes qui en sont atteintes.

En compagnie de la directrice générale de l’organisme, Catherine Filiatrault, les parents concernés, Sylvie Taillefer, François Larin et Terry Aubin, avaient démontré qu’en matière de TDL, notre système de santé dispensait des services adéquats pour les enfants, alors que les ressources se raréfiaient dès l’adolescence pour devenir totalement inexistantes à l’âge adulte.

Il est bon de préciser que le TDL, décrit comme un dysfonctionnement structurel du système neurologique affectant l’expression tout autant que la compréhension du langage, accompagne la personne touchée toute sa vie durant. Le TDL, par ailleurs, ne vient pas seul et se trouve souvent assorti de troubles de mémoire, d’attention, de coordination et de planification. D’où la nécessité d’avoir recours à une panoplie de services en orthophonie, réadaptation, ergothérapie, neuropsychologie, psychoéducation, orthopédagogie, etc.

Cheminement de la plainte

Dans un document daté du 5 octobre 2017, le délégué du Protecteur du citoyen, François Perreault, donnait raison aux plaignants et recommandait d’abord au Centre intégré de santé et services sociaux (CISSS) des Laurentides de «définir une offre minimale de services spécialisés» , pour les 12-17 ans et les jeunes adultes, chose dont le CISSS s’est acquitté dans les délais prescrits.

 

Dans ce même document, le délégué du Protecteur du citoyen recommandait aussi au ministère de la Santé et des Services sociaux «d’apporter à l’établissement le soutien qu’il jugera le plus approprié pour l’implantation de cette offre de services» . On donnait alors au ministère jusqu’au 31 décembre 2017, pour assurer l’implantation de cette recommandation, à tout le moins «d’informer les parents de leur acceptation de mettre en œuvre la recommandation ou des motifs pour lesquels le ministère n’entendait pas y donner suite.»

Or, si le CISSS a bien suivi la recommandation , c’est toujours silence radio du côté du ministère. «Le CISSS est prêt à nous donner les services, mais sans les ressources, sans le personnel, on est toujours au même point» , résume François Larin, parent d’un jeune dysphasique de 15 ans et signataire de la plainte au nom des autres parents.

«Le CISSS a fait ce qu’il fallait, mais il n’a pas d’argent. Il ne peut pas déshabiller les tout-petits pour habiller les plus grands. Il faudra des ressources supplémentaires» , renchérit Catherine Filiatrault, qui a accueilli les représentants du CISSS qui, dit-elle, se sont montrés très coopératifs. «Ensuite, ils ont pris rendez-vous avec le ministère pour leur présenter ça. Depuis, plus de son, plus d’image» , poursuit Mme Filiatrault, en précisant que, dans cette structure et cette dynamique de plainte, il appartient aux parents de relancer, d’appeler, de questionner. Il appartient aussi au Protecteur du citoyen de faire un suivi, sauf que ce dernier n’a qu’un rôle de recommandation.

L’attente et l’usure

«Les gens sont fatigués. Nous ne sommes pas en train de crier au manque ou au trop peu. Nous crions à l’absence de services, reprend la directrice. Les parents d’un adolescent ou d’un jeune adulte atteint d’un TDL veulent qu’il devienne autonome, mais c’est avec les outils appropriés qu’on le devient.»

En attendant, les parents concernés ont l’impression qu’on tente de les avoir à l’usure. «Nous sommes épuisés. J’ai un ado dysphasique et une fille autiste. Je dépense beaucoup d’énergie et en plus, je dois mener une bataille pour obtenir des services» , laisse tomber François Larin, l’air dépité.

La réponse du ministère

Appelé à commenter la situation, le ministère de la Santé et des Services Sociaux (MSSS) indique qu’il analyse présentement le dossier.

Dans un échange de courriels avec Catherine Lapointe, conseillère en stratégie médias et relations au MSSS, nous avons obtenu confirmation que des discussions avaient bel et bien eu lien entre cette instance et le Centre intégré de Santé et Services sociaux (CISSS) des Laurentides, à propos d’une offre minimale de services destinés aux adolescents et jeunes adultes atteints du TDL, tel que recommandé par le Protecteur du citoyen.

«Une lettre a été envoyée au Protecteur du citoyen le 2 février 2018, pour l’informer que le MSSS s’engage à analyser le contenu de cette proposition dans une perspective plus étendue, en tenant compte des besoins des autres CISSS du Québec et des priorités qui y sont associées», peut-on lire dans la réponse du MSSS, bien au fait que cette offre de services impliquerait le déploiement de nouvelles ressources dans le réseau.

Dans cette communication, on apprend également que «dans la grande majorité des cas, le MSSS accepte les recommandations qui lui sont adressées par le Protecteur du citoyen. Il peut également, s’il le juge à propos, proposer une autre façon de les prévenir». On ajoute que le Protecteur du citoyen a demandé à être informé des échéanciers des travaux et des résultats. «Un suivi sera fait avec le Protecteur du citoyen au cours des prochains mois», assure le MSSS.