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La force de la vie chez l’oie des neiges: la fabuleuse histoire de Blandine et de Roger

Le clan de Blandine et Roger rejoignit la grande ribambelle blanche pour le lointain voyage vers les oasis du repos hivernal.

La force de la vie chez l’oie des neiges: la fabuleuse histoire de Blandine et de Roger

Publié le 20/12/2012

Il était une fois une oie blessée à l’aile, incapable de voler. Perdue sur une île du sud du Québec, Blandine avait assisté au grand départ printanier de ses congénères vers le Grand Nord. Seule, triste et impuissante, elle pensait bien finir ses jours dans la gueule d’un renard ou d’un corbeau.

Blandine broyait des graines et du noir lorsqu’elle aperçut une autre oie égarée. L’oiseau avançait vers elle en émettant quelques caquètements. «Je connais ces cris familiers», se dit-elle, en découvrant, rieuse et éberluée, Roger, son compagnon de l’année dernière. «J’ai décidé de rester ici avec toi», lança Roger.

Après quelques mamours, le couple engendra de beaux œufs couvés précieusement par Blandine. Après l’éclosion, trois oisillons vécurent une enfance heureuse sous la garde et les yeux ébahis de Blandine et Roger. De plus, la nature, cette grande couturière, tissa une aile nouvelle à Blandine.

Aux premières lueurs de l’automne, la petite famille entendit des voix dans le ciel. Un grand voilier d’oies des neiges était de retour des terres boréales.

Les retrouvailles se firent dans la joie et l’exubérance… et le clan de Blandine et Roger rejoignit la grande ribambelle blanche pour le lointain voyage vers les oasis du repos hivernal.

Histoire vraie et scènes romancées

Cette belle histoire quelque peu romancée est basée sur des faits vérifiables. L’été dernier, un couple d’oies des neiges a niché et engendré au moins un jeune sur une île du fleuve Saint-Laurent, à la grande surprise des biologistes. Ces données ont été recueillies dans le cadre du travail de l’Atlas des oiseaux nicheurs du Québec, un vaste projet quinquennal (2010-2015) sur les populations d’oiseaux de la province.

«Il est inusité de constater la nidification de l’oie des neiges dans le sud du Québec, selon un communiqué de l’Atlas. Il est vraisemblable que ceci soit le fait d’un oiseau blessé, incapable de poursuivre sa migration, à qui sa douce moitié serait restée fidèle.» La scène s’est déroulée dans une petite île de l’archipel du lac Saint-Pierre, au large de Sorel.

L’oie des neiges se reproduit dans la toundra du Haut-Arctique, bien au-delà de la limite nordique du Québec. Quelques oies nichent aussi dans la steppe québécoise, au Nunavik.

Au printemps et en automne, les oiseaux de cette espèce, connue auparavant sous le nom d’oie blanche, s’arrêtent en grand nombre dans des milieux humides du sud du Québec.

Les sites de Baie-du-Febvre et de Cap-Tourmente sont les plus connus pour accueillir l’oiseau blanc. Mentionnons également le site du Réservoir Beaudet, à Victoriaville, où l’on a constaté la présence de plus de 100 000 oies des neiges lors de certaines journées d’automne.

Les oies des neiges passent l’hiver sur la côte atlantique des États-Unis, au sud du New Jersey. Si le début de l’hiver est doux, elles peuvent s’attarder quelques semaines dans le sud du Québec, notamment dans la région de Saint-Jean-sur-Richelieu.

Dans des conditions idéales, l’oie des neiges peut voler à une vitesse dépassant quelque 90 km/h. Elle peut parcourir, sans escale, un trajet atteignant 1 000 km.

Les biologistes estiment que la population globale tourne autour d’un million d’oiseaux. Ce nombre semble relativement stable depuis une dizaine d’années.

Rappelons que l’oie des neiges a déjà été considérée comme une espèce en danger. Dans les années 1920, les effectifs ne dépassaient pas 3 000 oiseaux, et ce, à la grandeur de l’Amérique du Nord. Face à ce péril, la chasse à l’oie a été contrôlée, de 1931 à 1973, aux États-Unis, ce qui a donné un second souffle à l’espèce.

Quand on parle des oies, on entend souvent que la femelle et le mâle sont unis pour la vie. C’est vrai… avec un bémol. Si l’un des deux partenaires disparaît, l’oie trouvera probablement un autre complice… la force reproductive de la vie étant l’énergie suprême dans le règne animal.

 

Journaliste indépendant pour divers magazines et autodidacte dans l’apprentissage de l’ornithologie, Bernard Cloutier est membre de la Société ornithologique de Lanaudière. Il est aussi animateur, guide et conférencier. Pour lui écrire: b.clou@hotmail.com.