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Insuffisance de pharmaciens spécialisés aux urgences

Insuffisance de pharmaciens spécialisés aux urgences

Publié le 28/02/2024

Les hôpitaux de la région des Laurentides font face à un important manque de pharmaciens dans leur service d’urgence. Pas moins de 87 % des besoins de pharmaciens dans certains secteurs spécialisés ne sont pas couverts.

On ne parle pas ici de postes vacants, mais bien de besoins en pharmaciens dans des secteurs d’intervention précis. 

Quatre secteurs en découverture

C’est que le pharmacien d’établissement peut travailler au cœur de différents secteurs ambulatoires et unités de soins. Selon une enquête réalisée sur les effectifs en 2023, certains secteurs ont été ciblés. Dans la région des Laurentides, le taux de découverture recensé au 1eravril 2023, pour les quatre secteurs de soins suivants, laisse savoir l’A.P.E.S.

Dans les urgences, 87 % des besoins en pharmaciens pour prodiguer des soins pharmaceutiques ne sont pas comblés, bien que ces soins y soient névralgiques et que des études démontrent qu’un nombre considérable de visites soit attribuable à des problèmes liés aux médicaments;

Alors qu’il s’agit de traitements essentiels à la survie de certains patients, 10 % des besoins en en pharmaciens ne sont pas comblés en oncologie

Aux unités de soins intensifs et coronariens, auprès des patients hospitalisés, 33 % des besoins en pharmaciens pour donner des soins pharmaceutiques ne sont pas couverts, malgré un secteur de soins aigus et l’usage de médicaments complexes pour lesquels le pharmacien détient l’expertise;

Pire encore, 100 % des traitements en dialyse rénale ne sont pas supervisés par un pharmacien. Il « s’agit d’une découverture majeure dans ce secteur de soins, en dépit de la vulnérabilité des patients dialysés », spécifie l’A.P.E.S.

Conséquences importantes

L’Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec (A.P.E.S.) dénonce cette situation, qui entraine d’importantes conséquences sur les soins déployés auprès des patients qui se présentent aux Urgences. 

L’insuffisance de pharmaciens dans certains secteurs précis (comme ceux cités précédemment) entraîne des conséquences importantes. Il est question de visites allongées, du temps d’attente, de durée des hospitalisations ainsi que de l’augmentation des risques d’incidents et d’accidents médicamenteux, explique en entrevue Julie Racicot la présidente de l’Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec (A.P.E.S.,) qui est elle-même pharmacienne.

Malgré la régionalisation des données, l’hôpital de Saint-Eustache et l’hôpital de Saint-Jérôme sont touchés par cette insuffisance de pharmaciens dans les services spécialisés des urgences des hôpitaux, affirme la présidente de l’Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec (A.P.E.S.,) qui est elle-même pharmacienne. 

« L’insuffisance de pharmaciens dans le réseau de la santé est préoccupante », insiste Mme Racicot, en entrevue. 

Dans le cas d’un traitement de dialyse, celle-ci explique qu’un tel soin exige un ajustement, un dosage de médicament continuel pour recevoir adéquatement le traitement, ce qui relève d’un pharmacien.

Leur rôle dans les urgences est mal connu et pourtant nécessaire, poursuit Mme Racicot dans ses explications.

« Le pharmacien à l’urgence peut identifier le problème d’un patient avant même que celui-ci ne voit le médecin car un pharmacien peut voir le lien avec un médicament », souligne-t-elle. 

En somme, c’est toute la prise en charge d’un patient qui est touchée par l’insuffisance des pharmaciens des services spécialisés. Lorsqu’un pharmacien dresse le portrait médicamenteux d’un patient immédiatement, il peut éviter une série de tests et ainsi réduire la durée du séjour aux urgences du patient et de sa prise en charge par un médecin, ce qui évitera peut-être une hospitalisation et des consultations ultérieures, soit le fameux syndrome des portes tournantes. 

« Donc l’impact de l’insuffisance des pharmaciens dans les urgences est majeur », assure Mme Racicot. 

Deux obstacles majeurs

Le recrutement de pharmaciens en milieu hospitalier fait face à deux principaux obstacles, constate-t-elle.

Le réseau de la santé public n’est pas compétitif avec le système privé. Le pharmacien qui choisit un employeur privé gagne un salaire d’au moins 30 % supérieur à celui qu’on lui offre au public. Actuellement, autour de 80 % des pharmaciens se dirigent vers le privé, selon Mme Racicot.

Pour travailler dans un centre hospitalier, un pharmacien doit préalablement détenir un diplôme de maîtrise, soit deux années d’études venant s’ajouter à son baccalauréat. 

« Donc, on leur demande de faire deux ans de plus à l’université pour travailler en établissement et pour un salaire moins élevé qu’au privé, déplore Mme Racicot. Actuellement, 114 bourses d’études sont disponibles pour la maîtrise et seulement 56 étudiants s’y sont inscrits. Donc la relève n’est pas au rdv. »

« Il faut valoriser la maîtrise. On veut que le pharmacien soit mieux reconnu et qu’on lui accorde titre de spécialiste avec une plus grande autonomie de prescription. On s’attend à ce que le gouvernement fasse sa part », soutient la présidente de l’A.P.E.S.

Actuellement, il y a des partenariats établis entre pharmaciens et médecins dans les hôpitaux, sur la base d’une entente. Le médecin autorise le pharmacien avec lequel il travaille à prescrire. 

« Nous ce que l’on veut, c’est améliorer le réseau de la santé. On irait beaucoup plus rapidement si l’on pouvait obtenir ce permis de prescription », conclut-elle.