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L’incroyable tandem

(Photo Hugo Vincent)

L’incroyable tandem

Publié le 21/10/2010

En mettant les pieds dans le cabaret de l'église Sacré-Coeur, le samedi 16 octobre, on pouvait déjà sentir une belle fébrilité dans l'air. La petite salle était en effet remplie à pleine capacité d'un public chaleureux et visiblement impatient d'accueillir sur scène le duo de Dawn Tyler Watson et Paul Deslauriers.

Ces derniers ont uni leurs forces en 2004, créant ainsi une alliance musicale de rêve. Ils étaient de passage en sol térésien dans le cadre de la Série Blues du Théâtre Lionel-Groulx, pour le plus grand plaisir des amateurs du genre, mais aussi de ceux qui plongeaient pour la première fois dans l’univers de cet incroyable tandem.

Dès les premières notes, les pieds, les mains et les têtes battent la mesure, les cris et les sifflements fusent de partout. «Make a lot of noise! Get it out of your system», nous lance Dawn Tyler Watson, alors que les spectateurs accueillent bruyamment le climax vocal et musical de la première pièce du concert. Enchaînant ensuite les succès blues, populaires et les pièces originales, le duo soulève immanquablement la foule.

Il semble en effet impossible de rester de marbre devant une telle démonstration de talents mûs par autant de passion. Les deux artistes sont sur la scène comme des poissons dans l’eau, parce que c’est là qu’ils doivent se trouver. Les chaudes nuances de la voix de Dawn Tyler Watson et sa présence incroyable, le doigté expert et les solos vertigineux de Paul Deslauriers, tout nous est offert sans concession, avec une innéité et ce qui apparaît comme une facilité déconcertantes.

C’est comme si Dawn Tyler Watson et Paul Deslauriers étaient habités par la musique, comme si le rythme prenait possession de leurs corps. Ainsi, il semble tout naturel que la chanteuse devienne elle-même trombone, modulant sa voix d’une manière tout à fait réaliste pour reproduire le son de l’instrument à vent.

Les rythmes sont variés, l’énergie ne diminue jamais d’un cran. On explore à la fois l’intériorité et l’exubérance, chacun des artistes sachant prendre la place qui lui revient, s’écoutant l’un l’autre avec une complicité palpable.

Paul Deslauriers joint parfois sa voix doucement intense à celle, suave et puissante, de Dawn Tyler Watson pour un métissage où tout s’imbrique parfaitement, comme les doigts d’une main. Ou alors, il prend carrément possession du plateau avec un rock and roll endiablé tiré de son album solo, enflammant encore une fois le public avec un solo des plus impressionnants. Watson, dont chacun des gestes semble généré par la musique, émerveille par ses fabuleuses capacités vocales, mais aussi par la qualité de son interprétation, tour à tour sensuelle ou émouvante, délicate ou agressive.

De ce spectacle aux multiples moments magiques, on gardera sans doute longtemps en mémoire cette interprétation magistrale que le duo a offerte du grand classique de Jacques Brel, Ne me quitte pas. Avec émotion et intensité, Dawn Tyler Watson (dont le français n’est pas la langue maternelle) parvient à livrer toute la douleur sourde émanant du magnifique texte de Brel, passant à l’anglais lors d’un crescendo final poignant afin de pouvoir encore mieux le ressentir, l’exprimer. Le tout dans un silence d’église, littéralement. Lequel s’est rapidement mué en une véritable explosion de cris et d’applaudissements pour la première de quatre ovations debout spontanées et largement méritées pour ce duo au talent extraordinaire, qui demeure toutefois terre-à-terre, accessible et généreux pour un public qui l’était tout autant.