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Le piège de la perfection

Martin Drainville et Nathalie Mallette, dans une scène de Femme de rêve.

Le piège de la perfection

Publié le 23/10/2009

Un salon d’appartement tout ce qu’il y a de plus banal. D’innombrables piles de journaux et de périodiques, un ordinateur, des murs blancs. Voilà bien la demeure d’un statisticien célibataire de 47 ans! Or, cet équilibre et cette organisation si chère à son habitant ne demandent apparemment qu’à être perturbés…

Et c’est bien ce qui se produit, et de façon plutôt exponentielle, dans Femme de rêve, de Norm Foster, mise en scène par Martin Faucher et présentée le 17 octobre dernier au Théâtre Lionel-Groulx.

Martin Drainville et Luc Guérin y incarnent respectivement Denis, ledit statisticien bien tranquille, et Jean-Louis, romancier sur le déclin et mari infidèle, duo mal assorti s’il en est un, mais uni par une amitié qui traverse malgré tout les années. Bien décidé à sortir Denis de son célibat, Jean-Louis offre à ce dernier un abonnement à une agence de rencontre.

D’abord réfractaire à l’idée, Denis se laisse bientôt prendre au jeu et doit déterminer les dix qualités que doit posséder la femme idéale. Alors que les deux comparses s’attèlent à la tâche, cette «femme de rêve» prend forme sur papier… mais aussi de façon concrète en la personne de Josianne, à laquelle Nathalie Mallette prête ses traits. Tranchant autant avec le réalisme du décor qu’avec le quotidien routinier des personnages, la mystérieuse apparition de celle-ci sera la source de moult bouleversements, questionnements et conflits entre les deux amis.

Sous son apparente légèreté, le texte propose toutefois plusieurs pistes de réflexion pour tout un chacun, du célibataire endurci au couple marié. On y aborde en effet la pression sociale d’être en couple et l’estime de soi, ou encore le manque de communication, la fidélité et le côté destructeur de la recherche d’un idéal. La perfection est-elle de ce monde ou tombe-t-on amoureux d’une illusion? Aime-t-on l’autre parce qu’on le voit de façon claire et réaliste avec toutes ses imperfections ou malgré cela?

C’est dans une mise en scène dynamique aux airs de comédie estivale que Denis et Jean-Louis se frottent à ces épineuses questions. Tels deux Docteur Frankenstein des temps modernes, ils créent malgré eux une espèce de monstre qui leur en fera voir de toutes les couleurs.

Dans la peau de cette incarnation de la perfection, Nathalie Mallette est tout simplement incroyable. Comme une poupée russe, Josianne renferme une multitude d’autres Josianne. Tour à tour fantasque ou hypersensible, femme d’affaires ambitieuse ou malade d’insécurité, Nathalie Mallette relève le défi haut la main, sans que son énergie ne baisse d’un cran.

Dans le rôle de Jean-Louis, que le karma attend d’ailleurs dans le détour, Luc Guérin insuffle une sensibilité surprenante et ce qu’il faut d’humour pour que l’on s’attache à ce personnage au demeurant superficiel et sans cœur.

Quant à Martin Drainville, il propose pour son Denis, peu sûr de lui et toujours dépassé par les évènements, un jeu très physique et des expressions faciales exacerbées, mais aussi beaucoup de nuances dans les différentes situations auxquelles il doit faire face.

C’est surtout sur cet excellent trio d’acteurs que repose le succès de Femme de rêve. Avec une complicité palpable et un plaisir évident, ils endossent leurs personnages, bien décidés à nous faire rigoler et à tirer le maximum du texte. Ainsi, malgré quelques longueurs et certains gags éculés, on aura été bien divertis et l’on aura même réfléchi lors de cette incursion dans l’univers d’un statisticien sans histoire… du moins avant l’arrivée de la femme parfaite!