logo journal nord-info
icon journal
Forcément génial

(Photo Michel Chartrand)

Forcément génial

Publié le 30/04/2010

Il m’a fallu beaucoup de temps pour trouver, parce que c’était partout et nulle part. Et puis ça m’a sauté à l’esprit comme un ballon de basket en pleine face: il n’y a aucune émotion. J’ai tout lu et de toute part, et trouvé nulle émotion.

Je vous avais déjà présenté Frédérique Tremblay tel un prodige de l’écriture et, à la lecture de son dernier livre, Un roman démocratique, force est de le trouver génial.

Voyez… encore: force est de le trouver; il y a quelque chose dans chacun de ses romans qui nous convie à un tour de force, une prouesse cérébrale réussie, mais qui s’articule autour de l’intelligence dogmatique, une sorte de réflexion rigide qui coupe des émotions.

Son premier était un roman historique intitulé L’heure des redevances et le second tome, Une ruse inversée (Prix Cécile-Gagnon 2008), concluait une intrigue bien ficelée, dans un contexte cohérent avec l’époque décrite par une fort belle écriture. Rappelons que le kid étudiait à la polyvalente au moment où Joey Cornu l’éditait et que déjà, sa culture littéraire était plus vaste que celle de l’ensemble du département de français de son école.

Notre premier réflexe avait même été de demander à Claudie Bugnon, son éditrice, si elle était convaincue de ne pas s’être fait passer un travail de copiste. C’est vous dire le niveau. Mais depuis, j’ai rencontré le nouveau cégépien et nul doute qu’il a la tête pour écrire de cette façon.

Et j’ai trouvé le personnage de son roman dans la posture de ce garçon. Vous savez, il faut de la distance avec les choses pour que la subjectivité puisse s’installer et qu’un récit s’extirpe de la réalité dure qui l’a inspiré. Et il n’a pas vingt ans.

La moyenne d’âge à l’écriture d’un premier roman est de 36 ans, d’abord pour cultiver l’écriture, puis trouver le genre qui nous interpelle et y façonner son style, pour finalement trouver son histoire.

Frédéric est rendu à cette étape finale, mais elle n’est pas pleinement franchie, parce qu’il ne s’est pas encore affranchi de la littérature.

Il y a bien une tension dans la quête littéraire du personnage narrateur, mais son questionnement demeure intellectuel, tandis que l’écrivain liquidateur de sa bibliothèque ne doute que des autres. Il y a l’habile message du répondeur qui emberlificote solidement ce personnage écrivain, mais on reste dans l’ironie, pas la redondante, mais cette condescendance du prosélytisme littéraire en lutte contre l’inculture.

Il y a aussi une prétention du jeune homme à vouloir casser de l’éditeur, en dilapidant dans la foule les livres qui l’ont nourri. Mais une femme et ses enfants lecteurs redonnent un caractère sympathique au récit qui, à moins, deviendrait hermétique et sans âme. Les autres sont toujours à distance dans son dernier livre et il est difficile de faire évoluer un personnage sans aspérités, parce que sans véritable émotion.

Si la littérature vous intéresse, vous prendrez plaisir à lire Un roman démocratique; et si vous aimez les écrivains, alors vous pourrez vous targuer d’avoir été l’un des premiers à découvrir Frédéric Tremblay.

Le roman que l’on appréciera comme un essai réussi, et qui ne manque pas d’humour, est édité chez Joey Cornu, ainsi que les deux autres tomes du roman historique dont l’intrigue est bien construite, et l’époque écrite dans son style le plus classique.