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Danser sur les mots

(Photo Pierre Latour) Four Quartets est un spectacle de danse différent mais accessible, un concept audacieux mais habilement rendu par une artiste authentique.

Danser sur les mots

Publié le 11/03/2011

C'est une soirée bien particulière que nous a fait vivre la chorégraphe et interprète Deborah Dunn au Théâtre Lionel-Groulx, avec son spectacle Four Quartets.

Tout d’abord, pour recréer l’atmosphère chaleureuse d’un spectacle intime dans la grande salle, les spectateurs prenaient place sur la scène même, quelques centimètres à peine les séparant de l’artiste.

Ensuite, pour une performance dansée, la musique était étrangement peu présente, s’effaçant au profit des mots, ceux du poète américain T.S. Eliot, qui ont inspiré Deborah Dunn par leur rythme et leur musicalité.

C’était aussi la toute première fois que le spectacle était présenté dans sa version française. Ainsi, quatre solos nous ont été offerts: Burnt Norton et East Coker, récités par Jean Maheux, sur des musiques de Dino Giancola et Diane Labrosse, puis The Dry Salvages, à la fois dit et dansé par Dunn sur une musique de David Cronkite, et enfin, Little Gidding, lu par Diane Labrosse sur une musique de Gaétan Lebœuf.

Danser sur les mots, «créer le texte du corps» en lui imprimant leur musicalité, en évitant toutefois d’intellectualiser le mouvement par la réflexion sur leur sens, voilà un pari risqué. En effet, les silences entre les mots durant les premières minutes du spectacle sont empreints de perplexité, mais l’habileté de Deborah Dunn, son intensité et sa sincérité font rapidement adopter la proposition à l’auditoire. Par les mots, à travers son corps, l’artiste exprime le passage du temps, des saisons, son effet sur la condition humaine.

Exploitant beaucoup les contrastes, mouvement et staticité, fluide et saccadé, équilibre et déséquilibre, Deborah Dunn captive par ses gestes précis, jusqu’à chaque fléchissement du poignet, sa légèreté maîtrisée. Chaque mouvement est porteur de sens, aucun temps ne semble mort ou inutile, ni vide de signification, autant dans Burnt Norton que dans l’inquiétant et sombre East Coker aux gestes étranges et anguleux.

Dans The Dry Salvages, les percussions exotiques accompagnent les mouvements serpentins, ondulants, organiques, alors que Dunn elle-même en interprète les mots. Étrangeté et beauté font bon ménage dans cette pièce aux accents marins, dans laquelle le corps avance, recule, monte et descend, tel l’immuable va-et-vient de la marée.

La musique de Gaétan Lebœuf pour Little Gidding est magnifique et l’artiste, maintenant vêtue d’une camisole rouge vif et d’une large jupe, se fait tour à tour poupée, princesse, cheval, tournoyant et ondoyant gracieusement, puis mécaniquement, dans un ballet fascinant.

Four Quartets est un spectacle de danse différent mais accessible, un concept audacieux mais habilement rendu par une artiste authentique, des plus sympathique et articulée, comme nous a permis de le découvrir la discussion d’après spectacle.

Le prochain rendez-vous de la Série Danse aura lieu le 8 avril prochain, alors que les Ballets Jazz de Montréal seront de retour en sol térésien pour présenter un programme double avec Zip Zap Zomm, qui abordera notre rapport à la technologie, puis Rossini Cards, à la fois classique et moderne, aux saveurs d’Italie.