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Quand l’hypertrucage mène au dérapage

Quand l’hypertrucage mène au dérapage

Publié le 20/03/2024

La facilité avec laquelle les jeunes peuvent utiliser l’hypertrucage d’images en inquiète plus d’un, à commencer par les services policiers qui tiennent à mettre en garde les parents afin qu’ils fassent preuve de vigilance.

Le trucage photographique effectué par la princesse Kate qui a défrayé la presse internationale la semaine laisse entrevoir que l’exercice est facile et à la portée de tous, y compris des jeunes. Voilà le mauvais message craint par le milieu policier.  

Projet Sexto

Depuis trois ans, des policiers de toutes les régions se déploient dans un exercice de sensibilisation dans le cadre du Projet Sexto, une méthode d’intervention pour prévenir le sextage chez les jeunes. 

De septembre à décembre dernier, des policiers de la Régie intermunicipale de police Thérèse-De Blainville (RIPTB) ont visité toutes les écoles secondaires de leur territoire afin de prévenir les jeunes consommateurs de réseau sociaux et d’applications multiples à faire preuve de vigilance, de jugement et d’empathie dans l’usage quotidien de l’univers web.

L’agent de la RIPTB Éric Huard, qui suit ce dossier de près depuis un bon moment, constate que le cellulaire se retrouve entre les mains de jeunes de plus en plus jeunes, aussi estime-t-il nécessaire de poursuivre la sensibilisation. 

Alors qu’on s’adressait auparavant à des élèves en fin de secondaire, on cible désormais les plus jeunes, ceux des secondaires 1 et 2, laisse savoir l’agent Éric Huard.

Depuis l’avènement des réseaux sociaux, l’interconnexion permanente des jeunes semble inévitable. Avec le phénomène de la cyberintimidation, la manipulation par sexto a fait son apparition chez les adolescents. 

Le phénomène de l’hypertrucage est relativement nouveau, fait remarquer l’agent Huard. Les applications photographiques et vidéos de plus en plus raffinées rendre le dérapage encore plus aisé, selon ce qu’en constate l’agent Huard. « Avec les nouvelles applications, c’est encore plus accessible et on atteint une qualité d’image ultra réaliste », précise le policier.

Tout est modifiable

On pense à la photo, mais il y a aussi le «Deep Fake», relié à l’intelligence artificielle et qui permet de modifier entièrement une vidéo, avec visage et voix truqués. Elle peut paraître vraie, mais elle ne l’est pas. Le tout est trompeur, ce qui peut donc entraîner de graves conséquences pour celui ou celle qui en est le protagoniste malgré lui.

Avec l’hypertrucage de photos, on voit des cas de faux nus créés par des adolescents. « Plusieurs applications d’intelligence artificielle permettent de créer, à l’aide de photos accessibles, un avatar ou une photo de vous trompeuse de nature sexuelle. Il s’agit d’un cas de faux nus », rapporte la RIPTB.

Abus et conséquences

C’est que la manipulation par l’image entraîne de lourdes conséquences chez les jeunes qui en sont les victimes.

« Il y a des conséquences d’ordre psychologique qui viennent toucher la confiance, l’estime de soi et la perte de contrôle », souligne l’agent Huard, en ajoutant qu’il faut avant tout prévenir les parents et les mettre en garde contre l’usage de ce genre d’outil numérique.

Certains adolescents créent ce genre de contenu impliquant d’autres jeunes dans le but de les humilier. Bien des jeunes qui en abusent ne réalisent pas les poursuites pénales auxquelles ils s’exposent. 

La RIPTB a été interpellée par des dossiers complexes de cette nature, et dans les écoles sur son territoire, notamment, un dossier qui impliquait plus de 50 personnes. 

« L’impact sur la victime est bien réel et le contenu peut devenir particulièrement difficile à faire disparaître. Le simple fait d’être en possession du contenu de ce genre photo sur votre téléphone peut mener à des accusations de possession de pornographie juvénile telle que l’indique l’article 163.1 (4) du Code criminel », soutient le service des communications du corps policier. 

« Bien que ce soit du contenu fabriqué, si nous sommes en mesure d’identifier une personne d’âge mineur et que la caractéristique dominante est de nature sexuelle, cela correspond à la définition de pornographie juvénile au sens de la loi », prévient la RIPTB, qui fait référence à l’article 163.1 du Code criminel. 

Difficile de tout effacer

Dans un communiqué de presse envoyé récemment, Me Joanny H. St-Pierre, procureure et coordonnatrice provinciale en matière d’exploitation sexuelle des enfants sur Internet, s’exprimait à cet effet.  

« Le matériel et qui dépeint un enfant (une personne de moins de 18 ans) dans un contexte où son intégrité physique est mise en jeu, que ce soit réellement son corps ou non, a des impacts importants qui pourront perdurer toute sa vie chez cet enfant. C’est particulièrement le cas du matériel qui est diffusé sur Internet, puisqu’il devient difficile de mettre fin à la diffusion. Il faut donc faire de la sensibilisation pour que les gens ne créent pas de matériel d’hypertrucage impliquant la nudité de qui que ce soit (particulièrement celle d’un enfant) mais surtout, pour que du matériel de cette nature ne soit pas disséminé sur Internet ni à qui que ce soit. Si vous êtes victime de ce type de procédé, n’hésitez pas à aller chercher de l’aide et à dénoncer. La faute repose sur celui ou celle qui crée ce montage et qui en fait la diffusion, par sur la personne qui en est la cible. »   

« La prévention reste le principal outil afin de limiter les cas d’hypertrucage. C’est grâce à une dénonciation rapide à un membre du personnel scolaire ou au service de police qu’il est possible d’enrayer la propagation de contenu », conclut l’agent Éric Huard.